09 : Comme les stalkers

304 46 27
                                    

09 : Comme les stalkers

Depuis le début de la mission, Jolt Curtis avait soit bizuter son chef de sécurité, soit l'avait évité comme la peste. Mais cela changea presque du jour au lendemain. Soudain, il fut capable de s'adresser à Force sans être désagréable, sans le rabrouer ou chercher à se soustraire à sa surveillance. Tout devint calme, comme des eaux subitement praticables après des jours de tempête. Il ne ramena plus non plus le sujet Sui Generis sur le tapis. Ce fut subitement facile.

Dire qu'il n'avait fallut qu'un seul appel au milieu de la nuit pour ça. Bon sang... Force ne le croyait toujours pas. Il ne faisait pas ce genre de chose, jamais. Ce n'était simplement pas professionnel. Donc ce n'était pas son genre. Encore maintenant, des jours plus tard, il n'aurait pas su s'expliquer. Il ne s'impliquait pas avec les clients comme ça. Il faisait seulement son job, il sauvait leurs vies, il les protégeait avec la sienne, de 9h30 à 22h. Passé ces heures, il n'avait plus rien à faire avec eux.

Jolt Curtis était loin d'être le premier, pour Force, dans beaucoup de domaines. Pas le premier client célèbre. Pas le premier client aussi pénible. Pas le premier non plus à se sentir obligé d'étaler sa sexualité très libre partout sur la banquette arrière de la berline de fonction – étaler était vraiment le mot. Il n'était même pas le premier à avoir une de ces ridicules piscines sur balcon-terrasse, comme si la placer environ dix mètres au dessus du sol ajoutait quoique ce soit à la sensation de nager, ou dans le cas précis de Jolt, à la vue qu'on avait déjà depuis le haut de cette colline rocheuse.

Mais il était le premier, dans toute la longue carrière de Force, que celui-ci ai contacté après son service. Le seul.

Oh, bien sûr, Force avait déjà appelé Satine à propos d'un client, après son service. Ou son équipier du moment. Ça arrivait souvent, pour diverses raisons. Mais c'était comme continuer de consulter les dossiers et rapports une fois chez lui. C'était seulement parce que son travail ne le quittait jamais vraiment.

Pas pour une obscure raison difficile à justifier, impossible à identifier. Car non, Force ne comprenait toujours pas. Sur le moment, il n'y avait pas eu de réflexion, pas d'anticipation, d'estimation. Il avait seulement agit, il avait fait défiler ses contacts, plongé dans ses pensées, et il avait pressé appeler comme la chose la plus naturelle du monde.

Ce n'était pas comme ça que Force Russel se comportait. Jamais. Il avait toujours conscience des causes et conséquences, et pourtant cette fois, il ne s'était même pas posé la question.


Alors, après y avoir songé en boucle pendant quelques jours, il fit table rase. À quoi bon ? Ce n'était pas quelque chose qu'il recommencerait. Ce n'était simplement pas lui. Ce n'était pas professionnel.


— Russel ? appela justement Jolt.


Force lui adressa un petit signe de la tête :


— La voiture est avancée, Monsieur.

— Ok, parfait, fit le client en enfilant un veston noir et or de couturier.


C'était, disaient les magazines, un cadeau que lui avait fait la créatrice. Mais ça remontait déjà à deux ans plus tôt, et Force avait cru comprendre que la mode n'attendait pas si longtemps.

Enfin, il pouvait bien admettre ne rien y connaître. Tout ce que lui portait, c'était ses costumes trois pièces.


— Souhaitez-vous que quelqu'un d'autre vous conduise, Monsieur ?


Jolt, toujours en train de boutonner délicatement son veston, suspendit tout mouvement pour relever les yeux vers Force. Il fallait admettre, le doré brodé dans le tissu complimentait particulièrement son teint hâlé.

RADICAL : T1 「MxM」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant