47 : Violents délices

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47 : Violents délices

force.russel@pmail.com

Force avait reçu un mail des Archives Centrales. Combien il avait été surpris, de découvrir les parties consultables de son dossier.

Il n'avait jamais formellement fait la demande de consultation, car il avait plus ou moins compris qu'il ne pouvait pas y avoir accès. Et la raison semblait soudain assez claire.

À mesure qu'il lisait, Force découvrait que les souvenirs qu'il avait, tout ce dont il avait été certain jusqu'ici, reprenait le texte mot pour mot.

Chaque passage de sa vie à peine survolé par le dossier était flou dans sa tête. Seuls les faits se frayaient un chemin jusqu'à son esprit conscient. Mot pour mot. Chaque fois qu'il avait raconté, qu'il avait expliqué son propre passé, il avait en fait cité les paragraphes qu'il avait sous les yeux en ce moment même. Toute son existence était manufacturée.


PAS TOUTE.


Non, pas toute.


ILS NE SAVENT PAS, POUR CYCLONE.


Est-ce que Force entendait la voix du Prince ?

Mais c'était vrai. Personne à Pollux ne savait pour Cyclone. Ce n'était pas dans le dossier. Ce bébé dans son siège, à l'arrière de la voiture accidenté. Son père à l'avant. Personne n'avait écrit ça nulle part.

C'était le seul véritable souvenir précis que Force avait de lui-même, le seul naturel et d'origine.

Cette personne à l'arrière de sa tête, celle qui était si proche de s'exhumer, celle qu'il avait tellement crainte, elle seule savait qui il était vraiment. Ce qui lui était réellement arrivé. On l'avait obligé à enterrer et enterrer tout ce qui n'avait pas parfaitement correspondu au dossier, car finalement, il n'était pas grand chose de plus. Le Force d'aujourd'hui était comme ces pages : noir sur blanc, vague et creux. Une pâle copie de la véritable créature.

PERSONNE NE MET LA PANTHÈRE EN CAGE.

Force n'était pas qui il avait cru depuis tout ce temps. Il était entièrement faux. Entièrement.

PETIT CHAT, PETIT CHAT, RÉCLAME VENGEANCE
JUSTICE EST DANS TES MAINS, MONTE UNE POTENCE

Elle émergeait. Au fond de lui, guidée seulement par la pure rage, la soif de rétribution. Elle irait mettre le feu à tous les murs de Pollux. Aucune pièce d'or ne l'apaiserait. Aucune eau bénite ne l'exorciserait. Aucune armée ne l'arrêterait. Elle était là, sur le pas de la porte. Et Force venait à sa rencontre. Il avait passé tellement de temps à ne pas la reconnaitre, à croire qu'il était la bonne version, alors qu'il n'était rien. Elle l'avalerait dans son torrent de haine et de violence. Il avait craint ça, mais il n'y avait rien à craindre. Il allait disparaitre, comme sa mémoire. Il avait tout oublié et il allait s'oublier lui-même. Il allait lui ouvrir la voie.


Le portable de Force vibra. Un sms. Le retour à la réalité fut comme un jet d'eau froide, quand il commençait à s'embraser de combustion spontanée. Force redevint Force trop brusquement, le changement brutal de température le confondit.

C'était Lefebvre. Il le convoquait pour un entretient. Tout de suite.


Force se leva de son lit, il marcha jusqu'à la porte comme il l'aurait fait n'importe quel autre jour. Rien ne transparaissait, rien ne s'échappait de lui. Il ne pouvait rien relâcher, rien exprimer. Pas même dans la façon exacte dont ses pas s'alignaient et le guidaient, les un après les autres, jusqu'au bureau de son boss.

RADICAL : T1 「MxM」Où les histoires vivent. Découvrez maintenant