Chapitre 3 - L'avant-rencontre

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— Vingt-et-un... vingt-deux... vingt-trois... vingt-quatre... vingt-cinq... Oh, oh tu vas perdre Fab ! s'esclaffa Ange en voyant le jeune homme perdre l'équilibre et rouler dans le sable.

Alors que leur séjour débutait tout juste, son ami avait déjà enfilé son masque de râleur qui passait son temps à dire qu'il ne se laisserait plus emplumer par un restaurant de bourges. Une réplique en entraînant une autre, la conversation avait fini par déboucher sur la mise en place d'un nouveau défi : celui qui traverserait les sommets des petites dunes le plus rapidement se verrait dispensé des factures de restauration.

Et même si Fabrice était le plus grand et musclé des deux, c'était à Ange que revenait actuellement l'avantage de la course.

— Tu peux dire adieu à ton compte en banque. Il va devenir aussi minuscule que la bite de François ! s'égosilla le clown de service, pas le moins du monde gêné par le choix de son vocabulaire.

— La ferme ! répliqua le son ami avant de s'effondrer à côté d'Ange, le souffle court.

Ce dernier ignora les regards appuyés et irrités des personnes qui venaient d'entendre sa grossièreté et montra le résultat à son concurrent.

— Je te bats de quatre secondes mon pote.

Fabrice, les poumons prêts à exploser, porta la main à son front. Les perles de sueurs qui glissaient sur ce dernier le chatouillèrent. Comme dans tout ce qu'il entreprenait, il s'était donné à fond. Mais pour une fois, le résultat n'avait pas été à la hauteur de ses attentes.

— Tu vas finir SDF à force, rajouta Ange pour le taquiner.

— La ferme, grinça le concerné.

Les épaules d'Ange tressautèrent quand il rigola. D'un geste rapide et précis, il tira un dread châtain de son ami.

— OK, tu sais quoi ? Je te propose un marché : je paie la bouffe si tu acceptes de te prendre pour Bob Marley !

Son ami fronça les sourcils puis lui envoya un regard noir. Ange n'avait cessé de le charrier depuis qu'il avait pris la décision de faire cette coiffure et à long terme, cet acharnement devenait quelque peu agaçant.

— La ferme, répondit-il simplement en soupirant.

— Je note ici une répétition excessive d'un terme pas très sympathique très ch...

Son mot fut coupé par la poignée de sable que son ami lui envoya par la figure.

— OK, OK. Je reconnais que je l'ai cherché, lâcha Ange en voyant le jeune homme attraper à nouveau de quoi lui repeindre le visage. Mais sincèrement, est-ce que tu trouves vraiment ça beau ?

— Oui ! Alors fous-moi la paix et occupe-toi de tes cheveux, poil de carotte ! s'énerva Fabrice en retour.

— Oh c'est bon, détends-toi, t'es tendu comme un string là. Qu'est-ce qui t'arrive ?

Fab ferma les yeux et soupira. Les poings serrés, il essaya de vider son esprit. Mais en vain, les mots de son paternel restèrent gravés dans sa mémoire.

Tôt dans la matinée, alors qu'il s'ennuyait à force d'attendre que son ami émerge de son sommeil de Belle au bois dormant après sa séance de discussion nocturne prolongée, il avait consulté ses mails. Et parmi ces derniers, il était tombé sur l'un de son père. Celui-ci lui faisait part de sa déception concernant sa fuite après l'annonce qu'il lui avait faite concernant son intention de lui léguer l'entreprise familiale.

Ses mots avaient été clairs et nets : s'il ne revenait pas dans les deux jours à venir en s'excusant pour son acte plus qu'enfantin, monsieur Godin comptait le déshériter et arrêter par la même occasion de l'aider financièrement pour quoi que ce soit. Ce n'était pas de potentiellement perdre l'affaire familiale qui l'avait déboussolé, ni même qu'on menace de lui couper les vivres. C'était le chantage dont faisait preuve ce dernier qui l'avait atteint. N'était-il rien d'autre qu'un héritier ? Ne pouvait-il pas s'intéresser aux passions et envies de son fils ? Ne pouvait-il pas être autre chose qu'un vulgaire successeur ?

Fabrice avait découvert depuis bien longtemps l'état d'esprit de sa famille. Personne ne prêtait attention à la personne véritable qu'il était. Le jeune homme n'était rien d'autre qu'un meuble abîmé que l'on voulait retaper pour rendre le salon plus présentable et plus rentable financièrement. Ce constat, désagréable, n'avait cessé de le ronger et plus le temps passait, plus le monstre gagnait du terrain. Il en était désormais à jouer avec ses émotions.

En ce moment-même, le châtain en voulait à son ami alors qu'il savait pertinemment que ce dernier n'était pour rien dans toute cette histoire et qu'au contraire, il était probablement le seul à pouvoir lui remonter le moral.

— Bon, je vois que tu ne veux pas en parler ! lança Ange en se relevant. Je sais ce qui te redonnera le sourire. De la voile ! J'ai vu les affiches dans le camping, ils proposent des cours d'apprentissage. Depuis le temps que tu me rabâches que tu veux monter sur une de ces putains de planches. Et tu sais quoi ? continua-t-il en croisant le regard abattu de Fabrice. C'est moi qui paye la séance alors tu as intérêt à travailler et ne pas draguer les meufs parce que c'est mon cher forfait hein !

Le jeune homme ravala sa salive et se leva à son tour. Dans un élan d'affection, il prit son ami dans les bras. Il eut envie de le remercier. Il eut envie de lui dire qu'il était un mec génial. Mais il se contenta de lui tapoter le dos.

— Eh, ne me colle pas trop ou bien les gens vont croire que nous sommes des tafioles, souffla Ange qui ne s'éloigna pas de Fab pour autant.

***

Le soleil à cette heure-ci, tapait si fort qu'Ange avait l'impression de se consumer un peu plus seconde après seconde. Seule l'image quasiment fantasmatique de la mer au loin et son envie de filmer la scène humoristique que son cerveau avait imaginée, une heure plus tôt, lui permettaient de tenir sous cette chaleur assommante.

— D'accord, bon il n'y a pas encore beaucoup de monde alors on peut faire quelques essais, expliqua-t-il en s'adressant à la caméra que Fabrice tenait dans les mains. Je vais commencer soft. Je vais me contenter de courir et de foncer dans l'eau en adoptant l'allure du nageur sauveteur et je vais...

S'arrêtant brusquement, le jeune homme se gratta la nuque et regarda autour de lui, à la recherche de quelque chose.

— Qu'est-ce qu'il y a ? demanda Fab en faisant un zoom sur le visage contrarié mais ô combien hilarant de son ami.

— Je n'ai pas le truc là qu'ils ont les sauveteurs. Tu sais ce qu'ils balancent dans l'eau.

Comme Fabrice fronça les sourcils, Ange continua :

— Mais si ! Tu n'as jamais regardé Alerte à Malibu ? Il faut que je trouve de quoi le remplacer.

Alors que le jeune homme laissait son regard arpenter la plage, ses yeux se posèrent sur un gamin qu'il jugea approximativement d'une dizaine d'années. Petite planche de surf sous le bras, le garçon s'amusait à sauter sur les marques de pas dans le sable qu'il venait de faire.

— J'ai trouvé ! s'exclama Ange tandis qu'un sourire gagnait ses lèvres fines.

— Tu ne vas pas vandaliser ce gosse quand même ! s'indigna son ami.

Mais c'était déjà trop tard, le clown de service n'était plus à ses côtés et courrait vers l'enfant en agitant ses bras tel un camarade de jeu. La petite cible tourna la tête vers Ange et un sourire naïf gagna son visage.

— Quel démon, souffla Fabrice en voyant son ami saisir l'objet du garçon puis sprinter pour fuir la colère du vandalisé.


Nous retrouvons Ange et Fabrice

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Nous retrouvons Ange et Fabrice. Et tandis que le premier s'éclate, le second essaie de chasser un secret d'affaire familiale...

Baisers salés (Terminée)Where stories live. Discover now