Chapitre 9 - Quand l'inquiétude fait déguerpir la haine

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— Ah, les joies du camping : croiser une potentielle future relation en ayant un rouleau de PQ dans la main, j'adore. J'adore vraiment ! ironisa Claire avant de se laisser tomber sur la chaise pliante.

Ce lundi matin, le vent était plus frais. Et contrairement à la nuit précédente, Luce avait pu dormir car ses voisins d'emplacement s'étaient montrés silencieux.

Désormais confortablement installée devant sa tente, elle avait profité du départ de son amie pour les sanitaires pour écouter le réveil de la nature. Puis elle avait croqué dans une des nectarines jaunes que Claire et elles avaient rapportées du marché de la veille.

La journée s'annonçait bien meilleure que la précédente. Du moins pour Luce...

— Oh mon Dieu ! C'est sûr que tout le monde n'a pas la chance d'avoir un physique avantageux, souffla subitement son amie avec dédain.

Luce comprit aussitôt qu'un des fous d'à côté venait de sortir de la tente. Ce ton, moqueur et haineux, Claire ne pouvait l'utiliser que pour ces idiots. Ce constat-là lui plomba le moral. Peut-être que sa journée ne s'annonçait pas si bien tout compte fait.

— Qu'est-ce qu'elle veut l'autre, ma photo ? cracha le jeune homme.

— Alors là, certainement pas ! répliqua Claire avant d'attraper une tartine de pain grillé sur la table pour préparer son petit-déjeuner.

Ce n'était pas la voix de celui qui l'avait renversée et s'était bagarré comme un parfait idiot. C'était l'autre. En même temps, vu la description que lui avait faite Claire, le blessé n'était certainement pas en mesure d'articuler aussi bien. Après quelques heures, une mâchoire devenue violette devait poser deux-trois petits soucis pour parler.

— Tiens donc, votre acolyte vous a abandonné ? ne put s'empêcher de le provoquer Luce en affichant son fameux sourire, celui qui donnait envie aux autres de l'étriper.

— Et vous, vous avez toujours votre personnalité pourrie qui vous suit comme un chien-chien ?

La réflexion de son interlocuteur fut suivie du soupir de ce dernier. Apparemment, quelque chose le tracassait. Au moins, ils étaient deux désormais, à être dérangés.

— Vous savez quoi ? souffla-t-il. J'abandonne ! J'ai passé l'âge de me prêter à ce genre de jeu puéril.

Même si la brune eut envie de répliquer, elle choisit finalement de rester silencieuse, peu désireuse de donner raison au jeune homme.

— Dites, vous n'auriez pas vu Ange par hasard ?

Malheureusement, cette fois-ci, Luce ne put se retenir :

— Bien sûr que si, puisque c'est évident que je vois parfaitement bien ! cracha-t-elle en serrant les doigts sur sa canne.

Elle savait bien évidemment que l'homme n'avait pas fait exprès d'utiliser ce verbe. Mais depuis sa cécité, le choix des mots des autres était devenu très important pour elle. Ce qui n'était qu'une maladresse pour les autres, était en vérité bien plus. Les souvenirs de sa vie d'autan. La punition silencieuse qu'on lui avait faite.

C'était dans des moments pareils qu'elle se sentait étouffer sous cette horde de pensées négatives.

— Je... Pardon.

La jeune femme fut encore plus en colère. Car dans la voix de son interlocuteur, il n'y avait que de la pitié et de la peur. Il n'avait absolument rien compris en quoi se tromper de terme en lui parlant pouvait être douloureux. Personne ne pouvait comprendre de toute façon.

— Il n'est pas rentré de la nuit, expliqua son voisin de vacances.

— Ouh mon Dieu, c'est terrible ! se moqua la brune. Il ne faudrait pas qu'il se soit perdu dans le camping... A moins qu'il ait réussi à sauter cette pauvre femme. Elles se contentent de si peu de nos jours.

Si Fabrice fit un pas en direction de l'emplacement d'à côté, avec la ferme intention de remettre la jeune femme à sa place, le regard sombre du mannequin le défia d'aller au bout de ses pensées.

— Si vous l'apercevez, vous pourrez me le dire ? Je peux vous donner mon numé...

— Mais on s'en fout ! explosa la chef du duo.

— Luce, souffla Claire d'une voix bien trop douce selon son amie.

Puis voyant que le jeune homme la regardait avec surprise, elle lui tourna le dos pour faire face au visage de la brune. Ses yeux sombres, qui comme toujours fixaient le vide, lui firent comprendre que ce n'était pas le moment de changer de camp.

Pourtant, Claire choisit de se montrer forte, et juste surtout :

— On ne parle plus d'impolitesse, il s'agit peut-être d'une disparition.

Luce tapa des ongles sur la table, signe qu'elle était en plein combat intérieur. Alors que la plus foncée était fille unique, Claire avait eu deux petits frères dont un qui, adepte des conneries, avait fait de nombreuses fugues avant de quitter définitivement la maison.

— Ne confond pas l'affaire de Matthieu avec celle-là.

Claire savait qu'elle ne mélangeait pas ses souvenirs avec la situation actuelle. Le roux n'avait rien à voir avec son petit frère toxico. Mais ledit Ange avait disparu. Peut-être était-ce juste une crise de rébellion ? Peut-être n'y avait-il pas à s'inquiéter ? Seulement il y avait un risque que les craintes soient fondées et justes.

— Je vais prendre votre numéro et si on l'aperçoit, je vous contacterai.

Ignorant le soupir de Luce qui semblait vexée et surtout paraissait se sentir trahie, Claire tendit son téléphone à son voisin. Celui-ci s'empressa alors de rentrer ses coordonnées. Il n'était plus l'heure d'entretenir cette petite guerre ridicule. Les choses étaient plus graves.

— Je vous remercie.

C'était dingue comment une personne pouvait paraître différente suivant les circonstances dans lesquelles on la rencontrait. Ce Fabrice, apprit-elle en découvrant le nouveau contact sur son portable, n'avait plus rien à voir avec l'idiot qu'elle avait aperçu sur la plage. Son visage, autrefois mate, était pâle. Et ses yeux semblaient si inquiets qu'elle en sentit son ventre se retourner.

Luce n'avait pas tout à fait tort finalement. Peut-être avait-elle l'impression de revivre le même scénario qu'avec son frère... Elle espérait seulement que le disparu ne serait pas retrouvé avec une seringue plantée dans le bras. Claire avait déjà bien trop de poids qui reposait sur ses minces épaules. Les remords étaient ce qui pesait le plus de nos jours.


Finalement, on dirait que Claire et Fabrice sont plus responsables et adultes que Luce

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Finalement, on dirait que Claire et Fabrice sont plus responsables et adultes que Luce...

Baisers salés (Terminée)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant