Chapitre 39 - Travail de merde

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— Putain mais qu'est-ce qu'il fout ?

La voix forte et désagréable de monsieur Pivot s'entendait dans toute la rue. Un jeune couple qui se baladait avec leur fils sur son tricycle, afin de profiter des derniers instants avant la rentrée des classes, traversa pour ne pas avoir à passer devant la petite enseigne.

En effet, monsieur Pivot envoyait trop de mauvaises ondes.

— J'en ai marre de celui-là, toujours à la bourre ! Je vais le foutre à la porte, tu vas voir un peu, rouspéta le grand homme à la forte corpulence.

— Il arrive monsieur. Il arrive, annonça un homme brun en se stoppant face au patron. Je l'ai croisé au rond point de Carrefour, il attendait au feu.

— Il vaut mieux pour toi Serge.

La menace dans le ton de monsieur Pivot agaça le serveur, mais comme toujours, il ne dit rien.

Toutes les personnes qui bossaient pour cet être odieux se la fermaient, car elles avaient besoin d'argent et ne voulaient pas avoir à rechercher du boulot. Puis elles savaient toutes qu'en partant d'ici et en allant ailleurs, elles avaient une chance sur deux de tomber sur un chef pire que l'actuel.

Alors elles se contentaient de râler dans leur tête.

— Le voilà ! s'exclama Serge en voyant le scooter d'Ange arriver au loin.

— Il a intérêt à faire un service parfait. Et qu'il ne compte pas sur le pourboire, il peut se le mettre là où je pense.

La chevelure blond vénitien du serveur apparut bientôt, tandis que Serge poussait la porte du petit restaurant.

— Alors, vas-y, annonce : on va être cuit à quel degré ce soir ? demanda Ange en remerciant d'un signe de tête son collègue qui venait de lui tenir la porte.

— Le maximum, répondit le brun.

Quelques cheveux blancs commençaient à recouvrir ses tempes. Et Ange remarqua que les rides au coin de ses yeux se creusaient encore plus que lors de son départ en vacances.

Cela faisait deux ans que le blond bossait ici et déjà à son arrivée, Serge était un employé de longue date. Autrement dit, c'était plus ou moins le seul que monsieur Pivot avait gardé aussi longtemps. Un exemple à suivre.

— Allez, on se dépêche ! lança ce dernier en tapant dans les mains. Le restaurant ouvre dans cinq minutes je vous rappelle.

Ange salua Xavier le cuisinier, puis Célia qui remplaçait le commis de cuisine qui était parti deux mois plus tôt. C'était la petite nouvelle, celle qui était arrivée une semaine avant qu'il ait ses congés et il était ravi pour elle de voir qu'elle avait réussi à passer son premier mois d'essai.

— Mais qu'est-ce que c'est que cette allure de dépravé là ? demanda le chef en regardant Ange.

Depuis son retour au boulot, il se prenait tout le temps une réflexion. Si ce n'était pas à propos de sa peau encore un peu rougie, c'était ses cheveux trop ébouriffés, ou bien sa barbe mal entretenue d'après Pivot, ou encore son regard qui paraissait trop déprimé et n'allait pas donner envie aux clients de commander.

— C'est pour ma poire le prochain licenciement, souffla Ange en passant à côté de Célia qui s'activait pour couper les légumes.

— Ne dis pas ça Ange, il est comme ça avec tout le monde. C'est toi-même qui me l'as dit !

Ce fut en entendant cette tentative de réconfort que l'homme entra dans les vestiaires. En silence, il enfila sa chemise, arrangea ses cheveux, donna un coup d'œil à son reflet dans le miroir puis soupira.

Baisers salés (Terminée)Where stories live. Discover now