L'entraînement qui tourne mal

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         Pendant le trajet, le silence était pesant et ce fut Tarek qui décida finalement de le briser :

— Tu n'aurais pas dû voler avec ton dragon hier.

La jeune fille se figea alors qu'ils étaient dans une sorte de couloir extérieur, protégé par un petit plafond d'ardoise soutenu par de longues colonnes de pierre. Elle croisa les bras en répliquant :

— Je n'ai aucun compte à rendre, je suis libre de faire ce que j'ai envie.

Tarek s'arrêta à son tour et pivota pour regarder la Fille Gelée dans les yeux :

— Ecoute moi bien p'tite gelée, pour l'instant, c'est moi ton supérieur, et si je te dis que tu n'aurais pas dû, c'est que tu n'aurais pas dû. Regarde comment tu marches ! dit-il en désignant ses jambes d'un mouvement de menton. On dirait un canard à cause de tes cuisses déchiquetées ! Et puis ce ne sont pas tes bandages aux mains qui vont faciliter ton maniement des armes. On ne monte jamais un dragon sans selle ! Et je te rappelle que tu n'es parmi nous que depuis quelques jours, alors si tu veux un conseil : évite de te faire remarquer, et ne fais pas la maline. Tu n'es personne ici, alors fais ce qu'on te dit.

Aïkida leva les yeux au ciel et serra les poings.

— Premièrement, ne m'appelle plus jamais « p'tite gelée ». Deuxièmement, c'est toi qui a les jambes déchiquetées ? Non ! Alors ferme là, et fait ton boulot : apprends-moi à me battre !

— Surveille ton langage p'tite gelée, ne te donne pas tous les droits.

— Ne m'appelle pas comme ça, cracha-t-elle entre ses dents.

Le regard de Tarek s'assombrit sensiblement alors que ses lèvres s'étirèrent en un rictus carnassier. Il tira son épée du fourreau dans un bruit métallique et s'approcha de la jeune fille d'un pas rapide et déterminé. Celle-ci eu juste le temps de tirer la sienne pour parer le coup puissant du jeune homme.

        Le combat était lancé. Le dragonnier attaquait avec force et sans répit alors que la Fille Gelée se défendait avec difficultés, gênée par ses cuisses douloureuses et ses mains bandées.

Regarde ton adversaire dans les yeux, lui souffla Athkor depuis le bois.

Aïkida obtempéra, trop occupée pour remercier son dragon. Tarek la regardait dans le blanc des yeux, observant ses moindres gestes et réactions. Le duel continua. Les coups s'enchaînaient de plus en plus rapidement, quand la jeune fille eut une idée.

        Alors qu'elle parait l'un des nombreux coups du jeune homme, elle recula vivement et se mit à courir dans la direction opposée à son adversaire. Celui-ci, surpris, arqua un sourcil. Il ne s'attendait pas du tout à cela mais se mit tout de même à courir à sa suite.

         Aïkida redoubla alors de vitesse tandis que le paysage n'était plus qu'une masse de tâches colorées se mouvant sur ses côtés. Elle n'avait jamais couru aussi vite et se concentra pour ne pas se prendre un obstacle, qui serait très dangereux à cette allure. Appréciant ses nouvelles capacités et profitant de la vitesse, la jeune fille s'en donnait à cœur joie, oubliant ses cuisses douloureuses. Elle ressentait le poids de son corps à chaque pas posé sur le sol de pierre et n'entendait plus que sa respiration rapide et régulière.

         Tout à coup, elle vira à gauche et disparut derrière le mur.

        Tarek s'était arrêté, les yeux écarquillés, il était essoufflé. De toute sa vie, il n'avait jamais vu quelqu'un courir aussi vite. C'était au-delà de l'imaginable, même pour un dragonnier. En à peine trente seconde, il l'avait déjà perdue de vue. Pourtant, il était l'un des plus rapides de la Vallée.

La Fille GeléeWhere stories live. Discover now