La Fille Gelée

Le masque se fend

         Le cœur du jeune blond se serra tandis que les larmes s'échappèrent des magnifiques yeux bleus de la Fille Gelée. Leeroy affichait un air inquiet et triste, exactement le genre d'expression qu'Aïkida détestait quand elle lui était adressée. Mais bizarrement, celle-ci ne l'agaça pas, au contraire. La jeune fille hoqueta légèrement et voulu effacer les larmes qui coulaient sur ses joues rougies, mais le jeune dragonnier l'en empêcha :

— N'aies pas honte de pleurer.

Aïkida leva un regard rempli de désespoir vers le jeune homme. Ses paroles furent la goutte d'eau qui fit déborder le vase, et elle éclata en sanglot.

        Leeroy se rapprocha de la jeune fille et la prit doucement dans ses bras. Elle tremblait de chagrin et il pouvait ressentir tous ses tressautements tandis qu'elle pleurait toutes les larmes de son corps contre l'épaule du jeune homme. De sa main droite, il caressait ses cheveux blancs pour tenter de l'apaiser tandis que lui-même, enfouissait sa tête dans le cou de la jeune Ar-Feiniel. Cette fille si forte, si impétueuse et courageuse, tombait enfin le masque. Elle se foutait dorénavant de sa protection de neutralité, elle avait juste envie de pleurer. Elle en avait besoin.

        Aucun d'eux ne parlait, ils n'en voyaient pas l'utilité. Un silence respectueux s'était installé entre eux tandis qu'ils ressentaient l'énergie que leurs dragons leur envoyaient en soutien. Après de longues minutes, les sanglots de la jeune fille avaient cessé, mais ils étaient restés dans les bras l'un de l'autre, coupés du monde, les pensées à mille lieues de là.

        La jeune fille n'avait pas l'habitude de pleurer. Depuis qu'elle était petite, elle avait appris à cacher ses sentiments et émotions. Très peu de personne connaissait la vraie Aïkida, et elle s'en félicitait. Moins on me connait, moins on me trahit. Mais à force de contenir ses émotions et ses larmes, la jeune fille implosait, autant dans son sommeil qu'à cet instant. Elle faisait suffisamment confiance à Leeroy pour s'être laissé aller et laisser couler ses larmes, mais cela ne devrait pas se reproduire. Certes elle lui faisait confiance, mais le risque zéro n'existait pas ; elle préférait garder son masque froid et indifférent. Les risques étaient moins grands.

        Leeroy se détacha finalement des bras de la Fille Gelée. Il ne la regardait pas, mais fixait l'horizon, le visage grave.

— Je ne t'ai jamais dit pourquoi j'étais arrivé si jeune chez les dragonniers.

Surprise qu'il lui dise ça, la jeune fille fronça les sourcils en essuyant ses joues, salées par les larmes.

        Leeroy ne lui avait en effet jamais raconté son histoire, et Aïkida se trouva alors égoïste de n'avoir jamais posé la question.

Le jeune homme jouait avec un brin d'herbe entre ses doigts agiles et avait le regard vide.

— En réalité, j'ai toujours été chez les dragonniers. Ma mère était une des servantes de Nàmo, j'habitais avec elle dans les quartiers réservés au personnel. Mon père quant à lui, était un Combattant Secret. Il a été tué lors d'une bataille contre un régiment du Masque Noir. Une flèche empoisonnée en plein poumon, il n'a pas survécu.

Le sang de la jeune fille se glaça et son cœur se serra. Leeroy avait lui aussi perdu son père, tué de la même manière que Lomiòn. Aïkida allait l'interrompre, mais il continua :

— Ma mère n'a pas supporté sa mort et s'est suicidée quelques jours plus tard. Je venais de perdre mes deux parents en l'espace d'une semaine, j'étais détruit. Nàmo a eu beaucoup de compassion à mon égard et m'a mis sous la protection des Combattants. À partir de cet instant, j'ai fait la connaissance de Tarek et je me suis entraîné. Peu à peu, les adultes nous apprirent à nous battre et nous nous améliorions de jours en jours, avec une volonté d'acier de réduire à néant ceux qui avaient détruit nos vies. Tarek et moi nous sommes très vite liés d'amitié et nous sommes devenus inséparables. À l'âge de quinze ans, les combattants nous ont jugés assez forts et nous ont présentés devant différents dragons. Après de nombreux échecs, Tarek et moi avons décidé de réessayer de nuit, quand les Combattants ne seraient plus sur notre dos. Tarek a réussi du premier coup avec Brusanth et est devenu un Dragonnier. Je n'étais même pas jaloux tant j'étais heureux pour lui, mais quelques minutes plus tard, j'ai trouvé Luaj et je suis devenu un Dragonnier à mon tour. En une nuit, deux meilleurs amis sont devenus dragonniers, et cela n'a fait que renforcer notre lien d'amitié. Il s'est trouvé que Tarek était plus fort que moi dans le maniement des armes et dans les combats aériens, mais mes pouvoirs dépassaient les siens et je pouvais faire plus de magie que lui. Voilà, tu connais toute l'histoire.