La Fille Gelée

Un dragonnier muet

         Lorsqu'Aïkida reprit conscience, on l'avait amenée chez Ekzek, dans une petite chambre. La jeune fille était allongée sur des draps propres, mais leur contact suffisait à brûler sa peau vive. Elle remarqua néanmoins que toutes ses blessures avaient été cicatrisées par la magie, mais la douleur n'avait pas disparue pour autant. Les plaies étaient rouges et fraîches, mais bel et bien refermées. La Fille Gelée avait une migraine atroce qui n'arrangeait pas son état, et elle porta une main à son crâne brûlant, constatant la faiblesse de son bras. Elle remarqua également que ses vêtements étaient propres et qu'elle n'avait plus aucune trace de sang sur son corps. Elle se figea. Qui s'est occupé de moi ? Où suis-je ? Les murs de la chambre étaient en pierre jaunie, et le peu de meubles présents était en bois verni. La pièce était accueillante et le soleil traversait les rideaux blancs qui couvraient une large fenêtre à la droite du lit.

        Le premier réflexe de la jeune fille fût d'appeler son dragon :

— Athkor !

— Aïkida, tu nous as fait tellement peur !

La Fille Gelée eut les larmes aux yeux tant elle était soulagée de pouvoir communiquer à nouveau avec son dragon.

— Que s'est-il passé ? Où sommes-nous ? Pourquoi je n'ai plus mes armes ?

Elle entendit le rire chaud de son compagnon et se détendit aussitôt. S'il riait, c'était que tout allait bien.

— Prépares toi si tu le peux, il y a une réunion derrière la maison dans cinq minutes. Tu sauras tout.

Aïkida tenta de sortir du lit en entendant cela mais fût vite rattrapée par la réalité. Sa tête lui tourna aussitôt et ses membres l'abandonnèrent, lui rappelant les longues minutes pendant lesquelles elle avait subi les terribles tortures de Masque Noir. Elle se retrouva assise sur le parquet et prit sa tête entre ses mains en fermant les yeux, le temps que cette sensation de tournis s'en aille.

        Lorsque la jeune fille se sentit enfin capable de se lever, elle quitta la chambre et chercha une porte qui pourrait la mener vers l'arrière de la bâtisse. La maison était assez petite et chaleureuse, tout était dans des tons chauds, y compris la modeste décoration que composaient les tapisseries murales. La jeune fille dû néanmoins s'arrêter à plusieurs reprises pour reprendre son souffle et pour se tenir. Elle était épuisée alors qu'elle n'avait pas marché plus de vingt mètres, et dût s'appuyer contre le mur pour tenir debout. La Fille Gelée avait perdu trop de sang, et elle souffrait encore beaucoup trop pour faire quoi que ce soit d'autre que s'assoir. Ses muscles tremblaient alors que chaque mouvement lui demandait un immense effort de concentration. Elle n'avait jamais été aussi faible. Elle se demanda même comment elle réussissait à marcher. La volonté.

        Mais quelques secondes plus tard, elle aperçut enfin une petite porte en bois tandis que les rayons du soleil passaient dans les fissures. Le regard d'Aïkida se mit à briller d'espoir et de soulagement tandis qu'elle se dirigeait vers la porte en priant pour qu'elle donne sur l'arrière de la maison comme le lui avait dit son dragon. Plus que deux mètres. Elle saisit enfin la poignée de fer en s'écroulant presque contre le pan de bois qui grinça lourdement pour laisser apparaitre un splendide jardin ombragé par d'immenses arbres qu'elle n'avait jamais vu.