La Fille Gelée

Serment de Sang

         Quelques minutes plus tard, les deux jeunes gens frappèrent à la porte de Suron et la jeune fille sourit de nouveau en apercevant le poignard. Lorsque le maître d'armes leur ouvrit la porte et découvrit Aïkida, son sourire s'élargit et il déclara :

— Je suis heureux que tu aies changé d'avis.

La jeune fille n'eut pas le temps de répondre, que Tarek la prit de cours, d'une voix froide :

— J'ai remplis ma part du marché, à vous de tenir votre promesse.

La Fille Gelée haussa un sourcil. Elle s'apprêtait à demander ce que tout cela signifiait quand la voix de Leeroy retentit dans le dos du maître d'armes :

— Vous comptez rester sur le palier ? demanda-t-il en riant.

Les deux jeunes dragonniers entrèrent alors dans le salon du vieil homme.

        Ils prirent tous une chaise et s'assirent autour de la table en bois où la carte était encore dépliée. Aïkida se rappela de la façon dont elle avait parlé à entraîneur et se sentit honteuse. Mais revenant au présent, et ne comprenant toujours pas ce que les deux hommes s'étaient dit sur le palier, elle demanda :

— De quel marché parlez-vous ?

Elle aperçut alors son professeur soupirer longuement, comme s'il regrettait quelque chose. Ses traits affichaient un homme fatigué et pour la première fois, Aïkida trouva son maître fragile, faible.

        Tarek et Suron se regardaient d'un air entendu, mais personne ne daignait parler. Ce fût alors Leeroy qui répondit à la jeune fille :

— Suron a demandé à Tarek de te ramener à la raison. Et en échange, ton professeur devra rester ici au château, et non pas venir avec Tarek à Maskitaj comme c'était prévu.

Aïkida haussa un sourcil, surprise.

— Pourquoi ? demanda-t-elle en se tournant vers le jeune brun.

— Je dois rentrer dans la cité pour essayer de découvrir où est retenue ta famille. Je ne mets pas en doute les compétences de Suron, ajouta-t-il, je pense simplement qu'il ne prendrait pas les risques nécessaires et que cela freinerait les recherches. En plus de cela, si je venais à échouer, il serait épargné. Tu as toi-même dit que tu ne voulais pas de perte supplémentaire.

Un silence pesant tomba sur le groupe. Tous les regards étaient posés sur la jeune fille, attendant sa réaction. Cette dernière ne tarda pas à exploser :

— Alors moi je n'ai pas le droit d'aller voir le Masque Noir toute seule, mais toi oui ? Alors qu'il craint mes pouvoirs et pas les tiens ? Je ne comprends absolument pas ta logique ! Tu penses à quoi ? Jouer les héros ? Les arguments que tu m'as donnés tout à l'heure sont véridiques, et donc applicables à toi aussi !

Le jeune brun qui jouait désormais avec son poignard, répondit, les yeux fixés sur la lame :

— Toujours aussi prétentieuse hein ? Mais tu as raison, il craint tes pouvoirs, et c'est pour cela qu'il faut te préserver pour le combat final. Je suis moins inconscient que toi, j'y ai longuement réfléchis, et j'ai pris ma décision.

— Tarek... commença Leeroy.

Mais ce dernier fût violemment coupé par la Fille Gelée qui ne contenait plus sa colère :

— Alors tu comptes faire quoi ? Entrer dans la ville, entrer dans le château pour libérer ma famille ? Tout seul ? Mais tu n'y arriveras pas mon p'tit gars, tu oublies un détail majeur dans ton histoire : tu es sensible à la magie noire. Dès que tu auras passé les murailles, si tu y arrives, tu ne résisteras pas longtemps ! Tu basculeras, et qui nous dis que tu ne nous trahiras pas ensuite ? Personne ! Une fois ténébreux, tu reviendras vers nous, comme si de rien n'était, pour nous poignarder dans le dos ! Il est hors de question que tu partes là-bas seul, sans personne pour te surveiller.