Chapitre 5

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–Veuillez m'accompagner, je vous prie.

La voix onctueuse sortit Satia de sa contemplation. Un jeune page en livrée se tenait devant elle.

–Excusez-moi, je vous suis.

Au fur et à mesure de leur progression, les portraits des Souverains étaient plus récents, jusqu'à un pan de mur vide ; pour le futur de la Fédération.

Le serviteur s'arrêta devant une porte en bois, recouverte de feuilles d'or fin et finement ouvragée.

–Vous pouvez entrer, dit-il en manœuvrant le lourd battant.

Circonspecte, Satia pénétra dans la salle.

La vive lumière l'éblouit, et sa vision mit quelques secondes à s'accoutumer. Elle se trouvait à l'entrée d'une pièce circulaire. Devant elle, à une dizaine de mètres, se trouvait Dionéris, actuel Souverain de la Fédération. Assis sur son siège en bois doré, son front cerné par le double cerceau d'or, symbole de son rang, il présidait la réunion des douze Djicams de la Fédération. Ses cheveux étaient bouclés et noirs, comme la courte barbe soigneusement entretenue qu'il arborait, les yeux d'un vert lagon qui perçait l'âme dans son visage à la peau hâlée par le soleil.

Il était connu de tous que le Souverain appréciait énormément les jardins du Palais : il avait été jusqu'à faire installer un bureau temporaire sous une tonnelle. Assis, il était difficile de se rendre compte de sa haute stature et de son physique athlétique. Aujourd'hui il portait l'uniforme d'apparat de son statut ; un pantalon noir orné de deux lignes verticales dorées, et une veste coupée dans un épais tissu violet aux broderies dorées. Sur le haut col était fixée une broche représentant le phénix.

Répartis en deux hémicycles, les représentants des douze planètes se tenaient chacun dans une petite loge frappée du symbole de leur Royaume, accompagnés le plus souvent par deux ou trois assistants. Ils portaient eux aussi le costume des cérémonies officielles, aux couleurs de leurs Royaumes respectifs. Des hommes et des femmes, drapés dans des voiles, sanglés dans des uniformes, voire surchargés de pierreries.

Les Géants du Premier Royaume dominaient les hauteurs ; la peau des Atlantes du Deuxième Royaume miroitait à la lumière du soleil qui se déversait par les hautes fenêtres, les minuscules écailles bleu-vert s'illuminant au gré des mouvements ; les ailes des Massiliens s'élevaient dans leur dos, soigneusement repliées.

Intimidée par l'atmosphère solennelle, Satia salua comme elle l'avait appris, souhaitant plus que tout être ailleurs. Son regard balaya les expressions des Djicams ; elle y lut de la satisfaction, de la circonspection et une pointe d'attente et de dédain.

Dans ce silence inquisiteur, la jeune fille n'en menait pas large. Quelle faute avait-elle donc commise pour que le Souverain prenne la peine de convoquer les douze Djicams ? Comment s'était-elle retrouvée dans ce pétrin ? Et par Eraïm, pourquoi Lucas se tenait-il aux côtés d'un autre Émissaire, trois pas derrière le Djicam de Massilia ?

Le Souverain Dionéris prit la parole.

–Satia Travira, fille du Douzième Royaume, j'ai décidé de te nommer Durckma. Les douze Djicams ont validé ce choix. L'acceptes-tu ?

Elle, choisie ?

Non, c'était impossible. Elle sentit ses mains trembler et les serra dans son dos pour masquer son trouble.

Elle ravala sa salive. Impossible, se répéta-t-elle.

–Ce doit être une erreur, murmura-t-elle faiblement.

Les Douze RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant