Chapitre 38

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Sagitta, Douzième Royaume, Palais de Valyar...

Les yeux ouverts, Lucas fixait un point invisible dans l'obscurité. Il lui était impossible de trouver le sommeil. Pas après la tragédie qui avait frappé sa famille.

Comment avaient-ils pu être aussi aveugles ? Comment l'Empire avait-il su frapper si précisément ?

Il aurait aimé en discuter avec Lika, mais s'il en croyait les sensations au fond de son esprit, elle dormait.

La frustration l'envahit. Il se leva, avec précaution pour ne pas réveiller la T'Sara qui avait partagé son lit.

Peine perdue, elle ouvrit les yeux aussi sec.

–Le soleil n'est pas encore levé, constata-t-elle.

Elle s'étira longuement entre les draps défaits du lit, déployant ses ailes grises.

–Je ne voulais pas te réveiller.

Shaya observa le Messager qui enfilait rapidement un pantalon.

–Je te remercie de m'avoir accordé cette nuit, dit-elle. Et ce malgré les attaques d'hier. Tu aurais pu refuser.

–Je n'ai fait que mon devoir, répondit poliment le jeune homme. L'honneur veut que toute proposition d'une T'Sara soit acceptée. Le reste n'a pas d'importance.

–Puis-je utiliser ta salle de bain ?

Le Messager acquiesça. Il ouvrit la fenêtre, fit quelques pas sur le petit balcon. Le soleil n'était pas encore levé, les étoiles cachées par les nuages qui obscurcissaient le ciel. La ville entière de Valyar s'étendait pourtant à ses pieds, invisible même pour ses yeux perçants. Valyar. Il avait espéré n'avoir jamais à revenir loger au Palais.

Son architecture était sobre. Une large enceinte circulaire percée de douze portes entourait le bâtiment. Les quartiers d'habitation consistaient en une immense tour centrale de treize étages : un pour chaque Seycam, le dernier pour le Souverain et son Durckma. Une aile abritait bibliothèques, archives et salle de réunion de l'Assemblée ; une autre logeait la garnison du Palais et un petit hôpital ; la dernière était occupée par un musée et plusieurs galeries d'art ouverts à tous.

Son père lui avait accordé le droit d'être considéré comme un Mecer ordinaire pour éviter d'exposer Lika davantage. La journée d'hier avait été un désastre total. Il avait cru que les Strators venaient pour son phénix, non pour détruire ainsi sa famille. Il avait appris par la suite que quatre de ses frères et sœurs étaient morts, deux grièvement blessés. Ivan lui avait demandé de revenir loger au Palais, en tant que membre de la Seycam de Massilia. Comme s'il avait eu le choix...

Lucas ne le pouvait nier : il trouvait plus agréable ce neuvième étage que le rez-de-chaussée de la garnison. Prendre son envol sans élan, en se laissant simplement tomber, était une bénédiction. Il se remémora ce jeu, consistant à déployer ses ailes au dernier moment, pour impressionner amis et passants. Valérian avait toujours pris le plus de risques. Il avait été le plus doué d'entre eux à ce jeu.

De petits cailloux tombèrent sur lui, ricochant sur les dalles du balcon. Il leva les yeux, un bras en visière pour se protéger. Quel jeune Mecer s'amusait ainsi à projeter des pierres ? Il bondit sur la rambarde, avec l'assurance innée des Massiliens. Ne devinait-il pas des formes floues, au-dessus de lui ?

Il eut à peine le temps de réagir avant de réaliser qu'il s'agissait d'une personne - et pas un Massilien.

Lucas bondit dans les airs pour l'intercepter. Stupéfait, il reconnut Satia. Complètement nue.

Les Douze RoyaumesWhere stories live. Discover now