Chapitre 54

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Les nuages défilaient paresseusement autour d'Irys, la blanche lune de Mayar, voilant et dévoilant son éclat tour à tour, sans savoir à quel point ils influaient sur les évènements se déroulant quelques centaines de mètres plus bas.

Le Temple, vaste construction abritant les Prêtresses et les Disciples d'Eraïm, avait vu les féroces Maagoïs s'abattre sur le bâtiment central, crevant le toit sous leur poids. La Prêtresse Séliné, accompagnée par une poignée de Disciples, avait alors guidé la Durckma Satia à l'extérieur, avant de s'enfermer dans le bâtiment Est. Le pavillon était bien plus petit que son homologue central, et était conçu pour le recueillement et la solitude. Il était ainsi divisé en nombreuses petites cellules au confort spartiate : un lit au matelas dur, une carafe et un broc pour la toilette, l'ensemble pouvant être séparé par un paravent. Nullement prévu pour accueillir sept personnes, l'ambiance y était étouffante.

Aioros et ses compagnons longèrent les murs du bâtiment, désireux de ne pas rencontrer d'autres Maagoïs. Les Prêtresses avaient peut-être décidé que le Temple d'Eraïm ne tolérait aucun combat, mais aucun des trois compagnons n'était enclin à parier sa vie sur cette simple hypothèse.

Une fenêtre était ouverte, et une lumière tamisée s'en échappait.

–C'est ici, murmura Aioros.

Ils étaient camouflés dans les buissons à quelques mètres. La Guerrière de Perles s'assurait que ses dagues soient prêtes quand une silhouette se pencha à travers l'ouverture. Furieuse, la Prêtresse Séliné frappa du poing.

–Elle s'est échappée, cracha-t-elle. Retrouvez-la.

D'un geste rageur, la servante d'Eraïm ferma la fenêtre.

–Tu avais donc raison, Altaïr, murmura Laria en fronçant les sourcils.

–Un point en ta faveur, concéda le Messager. Mais la Prêtresse Séliné souhaitait peut-être la garder en sécurité vis-à-vis des Maagoïs. Peut-être fouillent-ils le Temple à sa recherche, peut-être s'en iront-ils quand ils réaliseront que leur cible ne se trouve pas là.

–Certes, reconnut Laria.

–Et dans tous les cas, tuer deux Disciples sur de simples soupçons n'était pas la meilleure des solutions.

–Que fait-on ? s'enquit Altaïr, peu désireux de remuer la culpabilité qui le tenaillait.

–Nous allons avoir besoin de tes talents. Suivez-moi.

Les compagnons se glissèrent sans bruit sous la fenêtre, et le Pisteur se mit à l'œuvre. Les fleurs écrasées, la végétation abîmée... les signes étaient clairs. Sans oser parler, les Disciples étant toutes proches, Altaïr remonta la piste.

–Je me demande ce qu'elle est allée chercher dans les décombres, commenta-t-il à voix basse en parvenant devant le bâtiment éventré. Mais elle en est sorti, alors j'imagine que nous n'avons pas besoin d'y aller ?

–Tu présumes bien, répondit Aioros.

Le Messager s'était assombri au fur et à mesure de leur progression. Trop de patrouilles, trop de Maagoïs, trop de questions sans réponses. Le Pisteur était doué, mais même lui était capable de voir que les traces n'étaient pas nettes. La Durckma était déjà loin. Et seule.

Il n'aimait pas ça.

Altaïr était resté un moment au sol, étudiant les traces avec attention. Sur les graviers foulés par les patrouilles, difficile de déceler le passage de la Durckma.

–Par là, dit-il enfin.

Le Pisteur se releva, avant de plisser les yeux, ébloui.

Tout aussi stupéfaits, les Maagoïs marquèrent un temps d'arrêt.

Les Douze RoyaumesWhere stories live. Discover now