Chapitre 50

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Druus, premier Monde, Palais Impérial.

–Le Commandeur est arrivé, Sire, annonça l'un des gardes des appartements privés de Dvorking.

–Faites-le entrer, ordonna l'Empereur. Sirah, apporte-nous des rafraichissements.

–Bien, Sire, répondit l'Iko en s'inclinant.

Sirah rabattit sur son visage le fin voile translucide écarlate, symbole de son rang, comme à chaque fois qu'elle devait se rendre dans les parties publiques du Palais. Elle quitta l'Empereur dans un bruissement de soie.

Dvorking passa dans le salon où il recevait, s'installa confortablement. Il espérait que Sirah ne se perde pas une nouvelle fois dans les coursives. L'Iku Idril était censée s'occuper de former les Iko, manifestement elle oubliait ses devoirs les plus élémentaires. Ou elle cherchait simplement à écarter ses concurrentes.

Dvorking ne doutait pas un seul instant qu'elle soit elle-même à l'origine de la disparition des cinq dernières Iko. Il nota mentalement de convoquer l'Iku après sa réunion. Cinq concubines tuées en moins de deux mois n'allaient pas encourager les prétendantes au titre, or il avait besoin de distraction. La menace de choisir une nouvelle Iku devrait suffire à la remettre dans le rang.

–Me voici, Sire.

L'Empereur Dvorking reporta son attention sur la silhouette agenouillée devant lui. Contrairement aux autres membres de sa cour, il n'inclinait jamais la tête pour se soustraire au regard de l'Empereur. Éric n'aimait pas se sentir inférieur. Le Commandeur pouvait clamer haut et fort qu'il avait renié ses origines massiliennes, Dvorking savait qu'il en avait gardé la fierté et la loyauté inhérente à sa race. L'approcher dans sa prime jeunesse avait été l'une de ses meilleures idées.

–Prenez place, Commandeur, dit-il enfin.

Éric aux Ailes Rouges se releva et s'assit dans le fauteuil désigné par l'Empereur. Une telle réunion informelle était inhabituelle ; il était mal à l'aise lorsque les rapports hiérarchiques n'étaient plus. Il résista à l'envie de tirer sur le col amidonné de sa tunique. Il détestait sa tenue de cérémonie, et avait l'impression d'étouffer dans les habits ajustés, pourtant la dernière mode à la Cour. Raide comme un piquet dans son siège, il souhaitait que cette réunion se termine au plus vite. Pourquoi l'Empereur voulait-il le voir ? Il brûlait d'envie de se lancer sur la piste de son mystérieux agresseur.

–Le Maitre-Espion Fayaïs est là, Sire, annonça le garde quelques instants plus tard.

–Faites-le entrer.

Éric fit de son mieux pour ne pas laisser paraître son désagrément. Le jeune homme qui passa la porte parut tout aussi surpris que lui de ne pas être en tête à tête avec l'Empereur.

Dvorking savait que les deux hommes se détestaient. Pourtant, chacun mettait leurs talents au service de l'Empire.

Fayaïs salua l'Empereur comme l'exigeait le protocole. Au contraire d'Éric, il craignait Dvorking. Son poste représentait beaucoup de responsabilités, son prédécesseur l'avait appris à ses dépens. L'Empereur ne tolérait pas les échecs injustifiés.

Dvorking l'autorisa à se relever et lui indiqua un fauteuil, masquant son amusement. Le Chef des Services de Renseignements de l'Empire était doué. Même s'il le craignait, il serait loyal, bien que d'une façon différente du Commandeur. Les deux hommes étaient plus semblables qu'ils ne l'imaginaient.

La crainte et la peur étaient deux sentiments bien distincts pour Dvorking. La crainte engendrait la soumission ; la peur donnait naissance à la rébellion. En tant qu'Empereur, il menait ses sujets d'une main de fer. Les intrigants étaient nombreux et devaient être tenus à l'écart. Plus ils passaient de temps à prendre garde à ne pas faire d'erreur – qui équivalait très souvent à la mort –, moins ils étaient libres de comploter contre Dvorking. De plus, en graciant quelques personnes de temps à autre, il se forgeait des loyautés inaliénables.

Les Douze RoyaumesWhere stories live. Discover now