Chapitre 22

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–Es-tu déjà allé sur Massilia ?

Surpris, Itzal cessa sa contemplation des étoiles et regarda Lucas.

–Pourquoi cette question ?

–Une impression. Tu n'as pas le comportement typique d'un Massilien.

–J'ai quitté la planète très jeune, répondit Itzal en soupirant. Mes parents sont partis chercher du travail sur M-555.

–Puis-je savoir pour quelle raison ?

–Ma mère avait aussi les ailes sombres. C'est encore très mal vu dans certaines zones reculées de Massilia. J'avais deux frères, qui se sont fait tuer parce que leurs ailes étaient noires. Alors mes parents ont décidé de quitter Massilia, pour rejoindre la planète d'origine de mon père. Tout est noir sur M-555, d'où leur choix je suppose.

Le Messager médita ces paroles.

–Les Massiliens peuvent se montrer tolérants face aux étrangers... mais les ailes dans ton dos ne laissent aucune place au doute. Tu seras considéré comme un natif, et tu le sais, les Massiliens attachent beaucoup d'importance à leur honneur.

C'est sûr, Itzal n'y avait pas coupé. Des saluts, toujours des saluts pour les plus gradés, et quand on était tout en bas de l'échelle comme lui, il fallait saluer tout le monde. Une coutume qu'il trouvait fastidieuse au possible. En tant que Messager, Lucas n'avait pas ce problème. D'ailleurs il ne comprenait toujours pas pourquoi ses pairs, même plus âgés, le saluait à l'occasion. Une des nombreuses questions à laquelle il n'avait pas de réponse.

–Tu peux être provoqué en duel en réparation d'un affront que tu n'auras peut-être ni l'intention, ni l'impression de commettre, continua Lucas.

Itzal se sentit refroidi. Cette planète avait vraiment l'air hostile. Son visage devait refléter son angoisse, car Lucas sourit :

–Je ne voulais pas t'inquiéter, seulement te mettre en garde. Tu es un Envoyé, membre des Mecers, voyageant en compagnie d'un Messager. Tant que tu te contentes de te taire et d'éviter tout regard vers une Massilienne...

–Je veux bien le croire, l'interrompit Itzal (ce qui lui valut un froncement de sourcils réprobateur) mais... si les ennuis viennent à nous ? Les gens associent souvent les ailes noires avec les Faucons Noirs. Ce sentiment sera-t-il pire sur Massilia ?

Le regard de Lucas se durcit. Incroyable comment il pouvait changer en quelques secondes ; impossible de savoir à quoi s'attendre avec lui. C'était effrayant, quelques fois.

–Si la situation se complique, dis-tu ? Tu es sous ma responsabilité. Toute personne qui voudrait te voir mordre la poussière devrait en passer par moi. Et je doute de trouver quelqu'un d'assez inconscient pour me provoquer en duel.

Une phrase qui sonnait comme une vérité acquise.

Itzal se sentit rassuré. Matthias lui avait confié que Lucas était l'un des tous meilleurs Messagers. Le plus jeune, aussi, depuis la création de l'ordre des Mecers. Son potentiel de progression était immense.

Des années plus tôt, il avait combattu le terrible Commandeur des Maagoï, le célèbre Éric aux Ailes Rouges. Et Lucas avait réussi à le blesser ! Un authentique exploit.

Une blessure légère, guère plus qu'une estafilade aux dires de Lucas ; rares pourtant étaient les Mecers encore en vie à pouvoir en dire autant.

D'après l'Émissaire Matthias, les deux hommes se cherchaient sans cesse sur les champs de bataille ; un jour leur lutte se conclurait par la mort de l'un d'entre eux, c'était certain.

Les Douze RoyaumesWhere stories live. Discover now