Chapitre 62

122 19 102
                                    


Aioros quitta l'Assemblée l'esprit en ébullition. Beaucoup de révélations, beaucoup d'observation minutieuse... Il s'était certes fait remarquer, mais dans l'ensemble, il ne s'en tirait pas trop mal. Il n'avait plus qu'une hâte, regagner ses quartiers, et réfléchir dans le calme aux évènements.

À peine s'était-il installé à son bureau qu'un coup fut frappé à la porte.

–Entrez, fit-il en retenant un soupir.

Il se leva pour aller accueillir son visiteur.

Qui se trouvait être une visiteuse.

–Djicam Mickaëla, salua-t-il en masquant sa surprise. Que me vaut cet honneur ?

–Je venais rendre hommage... à un vieil ami.

Une bouffée de haine le traversa. Lentement, il desserra les poings. Elle ne manquait pas d'aplomb. S'était-il trahi, ou avait-elle pris sa réaction comme une preuve du chagrin qui l'affectait ? Impossible de lire une quelconque réponse dans son regard scrutateur...

–Suivez-moi, dit-il finalement.

Le cercueil de son père trônait toujours au milieu du petit salon qui lui servait de réception. Un couvercle en verre avait été ajouté pendant son absence, permettant le recueillement tout en scellant le corps.

Il se demanda quelles étaient ses pensées, alors qu'elle se tenait là, une main posée sur le bois vernis. Regrettait-elle son geste ? Ivan était-il un obstacle à ses plans, ou avait-il seulement servi à localiser la Durckma ?

Après quelques minutes de silence, elle se redressa.

–Merci, dit-elle enfin.

Il devait répondre quelque chose, la politesse et la courtoisie la plus élémentaire le demandaient.

–Jusqu'à la fin, il vous aura considéré comme une amie.

Le jeune Djicam avait soigneusement choisi ses mots et guettait la moindre réaction de son interlocutrice.

Sa réaction fut parfaitement maitrisée – exceptée pour le silence qui dura une seconde de trop. Il se sentit jaugé et se demanda s'il avait fait le bon choix.

–En effet, répondit-elle. Et sa mort m'attriste plus que vous ne pouvez l'imaginer.

Que pouvait-il répondre à cela ? La Grande Prêtresse n'était pas soumise au code de l'honneur massilien. Était-elle sincère ? Qu'elle le soit ou non, elle se permettait quand même de venir jusque dans ses appartements pour le narguer dans sa douleur, à épier ses réactions, à attendre un faux pas de sa part, sans lui laisser un instant de répit.

–Moi de même, dit-il sur le ton le plus poli qu'il réussit à ménager.

–Mayar et Massilia ont toujours œuvré ensemble, pour le bien de la Fédération. Notre alliance date de bien plus loin que vous ne sauriez l'imaginer.

Le regard d'Aioros s'étrécit.

–Je suis jeune, Djicam, mais pas ignorant pour autant. Dois-je vous rappeler qu'Edwin était massilien ?

À son grand étonnement, elle éclata de rire.

–Inutile que l'aigle déploie ses ailes, jeune homme. Non, je ne doute pas qu'Ivan ait parfaitement accompli ta formation. Je venais juste vérifier que notre alliance tenait toujours.

Le Djicam de Massilia se sentit soudain bien à l'étroit dans les liens de la vérité.

–Je respecterai toute alliance qui ne nuira pas aux intérêts massiliens, dit-il enfin. De la même manière, j'apprécierai toute aide pour appréhender les meurtriers de mon père.

Les Douze RoyaumesWhere stories live. Discover now