Chapitre 63

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Anwa, Deuxième Monde.

–Debout là-dedans !

Lucas ouvrit les yeux au son de la voix autoritaire, qu'il identifia comme celle du geôlier, et se leva aussitôt.

Le gardien fut encore surpris par cette obéissance rapide, comme s'il était déçu de ne pas pouvoir crier davantage, ou comme s'il s'attendait à une rébellion de sa part. Quel en aurait été l'intérêt ?

Sans un mot, il déverrouilla la porte et lui fit signe d'avancer. Le Massilien s'engagea dans le couloir sans poser de question. Dans son dos, il sentait le souffle du geôlier, qui semblait n'attendre qu'une hésitation pour le pousser en avant.

La chaleur étouffante de l'arène commençait à lui devenir familière, mais il aurait tué juste pour sentir le vent sur ses ailes.

–Tiens, pour ce combat, tu as droit à une arme, fit le gardien des clés en lui tendant une épée.

Le jeune homme la soupesa en silence, testant son équilibre. Pas la meilleure qu'il ait possédée, mais bon, il ferait avec.

Il se demanda à quels adversaires il serait confronté, ce jour.

Lucas s'avança sur le sable brûlant de l'arène, et fit un tour sur lui-même pour discerner ses adversaires.

Des soldats. Peut-être se montreraient-ils un peu plus solides que les prisonniers. Le combat serait au moins loyal.

Ne tendrais-tu pas vers une certaine arrogance ?

Que dois-je faire d'autre ? Me résigner à ma mort ?

Non, certes, convint Iskor. Mais j'ai peur pour toi.

Parce que tu crains pour ta propre vie.

Non. J'ai peur que tu ne te retranches trop profondément en toi-même.

A qui la faute ? rétorqua Lucas. Crois-tu vraiment que mon âme puisse passer à travers autant d'épreuves sans en être altérée ?

Iskor était peiné ; Lucas le perçut immédiatement. Mais le Massilien était lassé de n'être qu'un jouet auprès des phénix, lassé de n'avoir aucune perspective, lassé d'obéir aveuglément.

Nous devrons discuter, après.

Après, convint Lucas.

Le Messager accéléra vers sa première victime. Autant ne pas leur laisser le temps de se regrouper pour lui compliquer la tâche. Il ne savait pas trop ce qui se tramait dans les hautes sphères qui décidaient de sa destinée, mais il avait découvert que chaque combat pouvait en cacher un autre. Pour préserver ses forces, l'efficacité était de mise.

Lucas n'était plus qu'à quelques mètres de sa cible. Il bondit, n'osant qu'un faible soutien de ses ailes, avant d'enfoncer son épée dans le ventre de son adversaire. Et d'un. Il se demanda un instant s'il pouvait se permettre de voler ; mais cela paraissait un moyen bien trop facile d'évasion. Et si jamais une décharge venait le foudroyer en pleine ascension, il serait en bien mauvaise posture une fois au sol.

Un deuxième soldat s'approcha de lui, et Lucas mit de côté ses envies d'évasion pour se concentrer sur sa survie immédiate. Les lames d'acier se croisèrent ; le Mecer jaugea la force de son opposant, s'effaça souplement et faucha son adversaire déstabilisé. L'achever fut une pure formalité.

Au fond de son esprit, il perçut la pitié d'Iskor. Lucas érigea ses barrières mentales pour se protéger de toute distraction nuisible à sa survie immédiate.

Quelques passes supplémentaires et il fut bientôt seul au milieu de l'arène. Pourtant, au milieu du brouhaha constant de la foule, il discerna une discordance. Le Messager resta sur ses gardes. On lui accordait rarement des pauses sans raison particulière.

Les Douze RoyaumesWhere stories live. Discover now