Chapitre 47

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La Porte de Massilia. Elle était à la fois imposante et majestueuse, avec ses piliers de bois recouverts de feuilles d'argent. Une étoffe écarlate s'y enroulait comme le lierre autour des troncs de chênes. Au centre du linteau horizontal était sculpté l'emblème de la Seycam Massilienne, une main brandissant l'épée, entourée du ruban rouge de la loyauté.

Le même symbole était tatoué sur le poignet gauche de Lucas, éternelle réminiscence que sa vie était vouée au service de la Seycam. En tant que petit dernier, il avait été épargné un temps par tout le décorum que requérait le simple fait d'être un Seyr. Désireux de faire ses preuves, son père lui avait permis d'intercaler des plumes marron et noires pour cacher l'uniformité blanche de ses ailes, le désignant sans erreur possible comme membre de la Seycam.

Il n'avait compris que plus tard la manœuvre de son père : le protéger. Lucas s'était engagé chez les Mecers à l'âge minimal requis quand la plupart des Massiliens attendaient quelques années supplémentaires. Un jeune âge qui le donnait vulnérable, mais qui l'avait endurci.

Sa réussite en avait surpris plus d'un ; nombreux restaient ceux qui pensaient son statut de Messager obtenu par favoritisme. Il s'était porté volontaire pour un grand nombre de missions dangereuses pour leur prouver qu'il n'en était rien, gagnant peu à peu le respect de ses pairs.

Un jeune Massilien avec une once de bon sens ne défiait jamais un Messager. Évidemment, arborer quelques rides et cheveux blancs aidait, tandis que sa jeunesse jouait en sa défaveur, comme cet incident venait de le démontrer.

Un sourire amer se dessina sur ses lèvres. Il s'était imaginé cent fois mourir au combat. Jamais il n'aurait pensé que son dernier affrontement fut une farce. Chaque mouvement se transformait en souffrance. Sa force toute neuve s'étiolait plus rapidement qu'il ne l'avait prévu. Encore quelques efforts et il pourrait enfin se reposer. Peut-être même rejoindre Lika une dernière fois.

Le Prêtre de Mayar, gardien de la Porte, s'avança pour les accueillir.

–Eraïm vous bénisse, voyageurs. Je suis Vinus. Où désirez-vous aller ?

–Eraïm t'entende, Vinus, dit Lucas. Nous souhaitons nous rendre sur Mayar.

–Mayar ? fit Vinus avec étonnement. C'est si rare de nos jours que des jeunes gens visitent notre belle planète... Puis-je connaître l'objet de votre déplacement ?

–Pour quelle raison ? rétorqua Lucas, soudain soupçonneux, sa main glissant automatiquement sur la garde de son épée.

–L'ordre nous vient du Souverain, Messager, répondit Vinus avec un geste d'apaisement. Depuis ce jour, les trajets par les Portes doivent être consignés dans un registre.

–Nous souhaitons nous recueillir, et passer quelques temps en méditation, intervint Satia d'une voix douce, toujours dissimulée sous sa pelisse.

Le prêtre remplit soigneusement quelques lignes d'une main habile, avant de se concentrer. Ses doigts dessinèrent des figures complexes dans les airs, puis s'immobilisèrent, tandis qu'un chatoiement apparaissait entre les piliers de la Porte.

–La liaison est établie. Puissiez-vous trouver la paix auprès d'Eraïm.

–Nous vous remercions, dit Lucas, glissant quelques pièces au prêtre comme le voulait la coutume.

Talonnant les flancs de son cheval, il franchit le voile, quittant l'air glacé de Massilia pour la chaleur tropicale de Mayar. Il suffoqua aussitôt, et entendit à peine arriver ses compagnons ravis de ce changement de temps.

Ils prirent quelques minutes pour enlever et ranger leurs capes inadaptées au climat de Mayar.

–C'est loin ? interrogea Itzal.

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