Chapitre 59

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Anwa, Deuxième Monde.

C'était sur Kissey, la capitale du Deuxième Monde, que se trouvait le plus grand marché aux esclaves. Le vent chaud du désert tout proche soufflait en rafales, ajoutant à la chaleur ambiante. La poussière était partout, collant aux esclaves ruisselant de sueur, cherchant à s'inviter sous les nombreux voiles des marchands d'esclave.

Dans l'air sec, le bruit était omniprésent. Les conversations feutrées, les négociations qui pouvaient se terminer en altercations violentes ; les claquements de fouets pour discipliner les esclaves rétifs.

Le marché était divisé en plusieurs zones, dont l'une spécialement dédiée aux rafraichissements : il était plus facile de négocier à l'ombre des palmiers, sur la terrasse des nombreux salons de thé.

Un espace était réservé aux esclaves natifs d'Anwa ; des hommes et des femmes fiers de servir, parfaitement éduqués pour accomplir les tâches les plus diverses. Certains esclaves étaient polyvalents, comme ceux qui entretenaient les maisons ; d'autres plus spécialisés, par exemple en cuisine, pour tenir les comptes ou disserter sur les prédictions d'Orssanc. Conditionnés dès leur naissance, ils ne cherchaient qu'à gagner la faveur de leur futur maitre.

La troisième zone, plus petite, était réservée aux esclaves de guerre : les prisonniers ramenés des divers champs de bataille de la Fédération des Douze Royaumes. Ils étaient peu nombreux à être directement proposés à la vente ; la majorité avait besoin d'être brisés, remodelés, pour devenir aptes à servir leurs nouveaux maitres. Plusieurs complexes avaient été destinés à cette fin sur la planète, et le plus réputé était celui du Seigneur Gelmir d'Anwa.

Tous les esclaves présentaient cependant un point commun : le collier à leur cou qui assurait de leur obéissance. Chaque propriétaire possédait une télécommande qui permettait d'envoyer des impulsions électriques afin de corriger les mauvais comportements ; jusqu'à la mort, s'ils le souhaitaient. Il existait de nombreux sévices pour leur faire regretter amèrement toute tentative de rébellion.

Quant à la dernière zone... Personne n'en parlait et tout citoyen respectable évitait d'y pénétrer. Ou d'y faire référence.

Des affaires qui se traitaient dans l'ombre, des esclaves décharnés revendus sous le manteau, un moyen de se débarrasser d'esclaves devenus encombrants tout en tirant un dernier bénéfice. Ou encore, une manière de se procurer des raretés illégales...

C'est dans l'un de ces taudis que Lucas fut sommairement débarqué. Un seau d'eau froide lui fit reprendre conscience en sursaut, d'un seul regard il comprit qu'il ne se trouvait plus sur le sol de la Fédération. Ses yeux errèrent sur le sol de terre battue, maintenant détrempé, sur les barreaux aux fenêtres, sur les gémissements alentour. Il se retint de porter la main au collier qu'il savait déjà être autour de son cou.

Son geôlier, dont la graisse ne camouflait pas un solide gabarit, le toisait en silence, un sourire aux lèvres.

–Bien mon gars, tu sembles avoir compris où tu te trouves, hein ? Ta vie ici ne vaut rien, alors tiens-toi tranquille si tu ne veux pas que je t'amoche.

Le jeune Mecer acquiesça tout en cherchant à remettre de l'ordre dans ses pensées. Comment avait-il pu atterrir chez les marchands d'esclave ? Comment allait-il rejoindre Satia ? Son esprit bouillonnait de questions sans réponses alors que son dernier souvenir se rattachait aux tunnels massiliens.

La fureur serra ses poings. Il avait été manipulé.

Quoi que tu penses, j'agis uniquement dans ton intérêt.

Vraiment ? Perdre ma liberté, perdre mes amis, perdre ce qu'il me reste de famille ? persiffla Lucas.

Tu dois me faire confiance, supplia Iskor. Tu es bien là où tu dois être. Sois l'esclave docile, rentre dans ce nouveau rôle.

Les Douze RoyaumesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant