Chapitre II

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II.

     Le cours de philosophie s’était étonnement bien passé, même si je n’étais pas vraiment inspirée et si je repensais beaucoup trop à la bousculade dans le couloir pour travailler avec toute ma tête. Quant au cours d’histoire qui avait suivi, nous avions eu le droit à une petite interrogation improvisée sur le cours de la veille, ce qui finit d’achever l’humeur de Wendy. Nous étions ensuite sortis de cours, bien contents d’en avoir fini avec le lycée pour aujourd’hui, et enthousiasmés à l’idée de passer un après-midi qui s’annonçait sympathique. J’avais ensuite quittés mes amis pour rejoindre mon bus et pouvoir manger au plus vite. Une fois à la maison, je m’étais précipitée à la cuisine pour me faire réchauffer une pizza dans le four. J’avais tellement faim !

     A la fin du repas, le ventre bien plein, je débarrassais mes couverts et fis la vaisselle. Il me restait encore du temps avant qu’il ne faille rejoindre mes amis au cinéma, je décidais donc de m’avancer sur mes devoirs afin d’en être débarrassée. Je devais être fatiguée car assise à mon bureau, je me sentis prise d’un vertige et mes yeux me donnaient l’impression de voir défiler des ombres derrière moi. M’assurant que j’étais seule, je finis mes devoirs en une demi-heure. Ne me laissant point abattre, je pris mon courage à deux mains et me lançais dans le rangement de ma chambre, spacieuse, accueillante et confortable. Celle-ci était tapissée de gris aux trois quarts et un de ses murs était lui, peint en vert olive. Sur ce mur se trouvait bon nombre d’étagères noires sur lesquelles je plaçais mes cadres photos, mes objets fétiches. Une de ces photos était d’ailleurs l’une der dernières choses qu’il me restait de ma mère. J’étais encore toute petite, peut-être avais-je deux ans, et mes cheveux bruns étaient coiffés en deux petites couettes. Prise sur un lit, cette photo me montrait allongée sur le dos, souriante, en compagnie de ma mère, à ma gauche, qui me tenait la main. Elle était très belle, le visage illuminé par le bonheur, les yeux noisette pétillants d’amour et les cheveux blonds soyeux coiffés en une natte qui lui donnait des airs de déesse. On voyait sur ma nuque le bout d’une tache de naissance. Elle ressemblait à un nuage, ou plutôt à une aile. Comme pour vérifier qu’elle n’avait pas disparue, je passais machinalement ma main sur mon cou. Cela devait être une aubaine pour ma mère qui s’était vouée à sa passion pour les anges.

     Revoir cette photo et m’imaginer les moments heureux que j’ai pu avoir avec ma mère provoquait en moi une déferlante de douleur qui semblait vouloir emporter avec elle toutes mes forces. Je sentis les larmes monter à mes yeux et manquer de s’échapper, avant que je ne tente tant bien que mal de les retenir. Quelqu’un se trouvait à ma droite lors de la prise de vue. Quelques doigts posés juste à côté de mon bras n’avaient pas été coupés et c’était la seule partie physique de mon père que je connaissais. J’aurais aimé avoir le morceau manquant de la photographie, ne serait-ce que pour enfin voir son visage car je n’en ai aucun souvenir. J’aimerais voir qui était cet homme dont ma mère s’était follement éprise et qui avait fait de moi son enfant avant de partir, sans donner le moindre signe de vie depuis.

     Je reposais le cadre photo sur son étagère avant que mes sanglots n’éclatent pour de bon, incapable de les retenir une seconde fois. Je rangeais quelques affaires encore en désordre dans l’espoir de calmer mes nerfs et enfilais un haut plus clément que le précédent. Je pris les dix euros que Cristina m’avait laissé sur la table ce matin et les plaçais dans mon portefeuille avant de mettre celui-ci dans mon sac à main. Je retouchais mon maquillage ruiné par les larmes, enfilais une écharpe, un manteau et des gants et pris enfin la route pour le lac où se trouvaient le cinéma et la majorité des autres activités culturelles de la ville.

     Il m’avait fallu près d’une demi-heure de marche pour atteindre le lac, si bien que j’étais gelée de la tête aux pieds lorsque j’arrivais au cinéma. C’était un édifice de deux étages à la façade couverte de briques rouges. Cette dernière créait un contraste exceptionnel entre la verdure du parc et le ciel bleu pâle de l’après-midi. Sur cette façade étaient fixés de grands panneaux d’affichage à l’intérieur desquels se trouvaient les affiches des films actuellement en salle. En face de cette façade, nous avions une vue imprenable sur les eaux sombres du lac sur lesquelles se reflétaient le ciel et ses nuages. J’observais ce beau spectacle qui faisait la réputation du lac lorsque j’aperçus mes amis devant la porte :

Amor MortisWhere stories live. Discover now