Chapitre XXI

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XXI.

     -Deux côtes fêlées et une cassée, la région orbitale gauche en morceaux. Vous avez eu de la chance de vous en sortir, m’intima le médecin, plein de sous entendus. Nous avons soigné votre côte cassée et les os qui entouraient votre œil gauche ont été remplacés par une plaque d’acier. Pour les côtes fêlées, comme pour le reste, repos et antalgiques sont de rigueur. Nous allons devoir vous garder ici quelques jours, pour nous assurer que votre guérison se passe bien.

     Le bilan était lourd, et peu rassurant. Nous étions le vingt-quatre décembre, jour de réveillon, et je me retrouvais clouée dans un lit d’hôpital. Pire, j’avais mal partout. Les antidouleurs ne suffisaient visiblement pas. Mon œil gauche ne s’ouvrait toujours pas et ma joue était en feu, sûrement à cause de l’opération. Machinalement, je remontais ma main à mon visage et passait mes doigts sur ma pommette. Y avait-il vraiment de l’acier là-dessous ? Je ne pus m’empêcher d’avoir une pensée pour Frankenstein. Quant à mes poumons, ils se remplissaient difficilement d’air, mes côtes contusionnées provoquant une douleur à chaque respiration. Tousser, rigoler ou éternuer était devenu un vrai calvaire.

     -Que mange-t-on ce soir ? demandais-je avec ironie pour faire bonne figure.

     -Je ne vous promets pas les huîtres, mais je crois qu’on a du foie gras, répondit-il en riant. Votre famille vous attends, je vais vous emmenez dans votre chambre.

     Le médecin m’aida à me lever du brancard sur lequel j’étais couchée depuis mon arrivée, et m’invita à m’asseoir dans un fauteuil roulant. Encore légèrement endormie par l’anesthésiant, il poussa le fauteuil pour moi dans les longs couloirs de l’hôpital. C’est alors que je m’aperçus que je n’étais pas dans la clinique de ma ville, mais dans le CHU de la capitale bourguignonne. J’avais eu plusieurs occasions de venir. Il était en effet nécessaire de faire cette heure de route si on voulait trouver les meilleurs spécialistes. J’avais du m’évanouir dans la voiture pendant le trajet, parce qu’il ne m’avait pas parut aussi long.

     -Spencer ! cria Wendy lorsque j’entrais dans la chambre.

     Je me contentais de lui sourire et toisais le reste de l’assemblée. Cristina était là. Il y avait aussi Jeanne, Adam et Robin. Julian se tenait debout dans un coin de la chambre, tandis que Jules était assis sur le lit. Toutes les personnes qui m’étaient les plus chères se trouvaient dans cette seule pièce. Sauf une. Austin n’était pas là.

     Le médecin me souleva une nouvelle fois pour m’aider à m’installer dans le lit que Jules avait libéré. Il alla ensuite chercher un chariot dans le couloir et commença les soins, tout en faisant le récit de mes blessures. Perdue dans mes pensées, je n’écoutais pas. Je ne réalisais toujours pas qu’Austin n’était pas là. Qu’est-ce qui lui passait par la tête ? Il me déposait dans la voiture, me disait au revoir, ne m’accompagnait pas et ne venait même pas s’assurer que j’allais bien ? J’étais tiraillée entre l’étonnement et la tristesse, entre la perplexité et la colère. Finalement, c’est une larme qui finit par couler sur ma joue.

     -Et voici de la glace pour vos côtes, m’interrompit le médecin. Faites attention à vous, d’accord ? ajouta-t-il avec un clin d’œil avant de quitter la chambre.

     -Comment tu vas mon petit ange, chuchota ma tante en caressant mes cheveux.

     -Ca va, répondis-je simplement, incapable d’en dire plus.

     Jules s’approcha à son tour mais il semblait hésitant.

     -Je suis désolé de ne pas avoir été là, finit-il par dire.

Amor MortisOù les histoires vivent. Découvrez maintenant