Chapitre XXII

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XXII.

     Quelqu’un a dit un jour : « Tu te rendras compte que tourner la page était la meilleure décision, car tu réaliseras que ce chapitre n’avait rien de plus à raconter ».

     La vérité, c’est que notre histoire venait tout juste de commencer, et que les chapitres ne font jamais que deux pages.

     -Tu es sûre que tu es prête pour ça ? Ça ne fait que trois semaines de guérison, ça me semble peu, s’inquiéta Julian une énième fois.

     -Trois semaines, c’est déjà trop ! rétorquais-je avec humour. Je te jure que je vais mieux.

     -Bon, d’accord, céda-t-il. Plusieurs milliers d’humains se sont joints à notre cause, sans compter un nombre incalculable de déchus et de Néphilims. On a pu nommer des chefs un peu partout et tous les portails ont été détruits. Sauf celui de cette ville, bien entendu.

     -Super, je suis prête ! lâchais-je, un peu trop enthousiaste.

     C’était la dernière ligne droite. L’aboutissement de toutes ces semaines de combat. La fin d’un monde et le commencement d’un nouveau. Nous allions réduire le paradis à néant.

     Il y a trois semaines, lorsque les garçons ont révélé l’existence des anges à la télévision, je n’étais vraiment pas convaincue. Je pensais que c’était une erreur monumentale et que ce secret aurait dû rester un secret. J’ai pensé comme dans un film, où plein de choses se passent et où plein d’êtres surhumains vivent au milieu des mortels, sans que jamais ces derniers ne devinent leur existence.

     C’était stupide. La réalité est bien loin des scénarios de films. On ne pouvait pas prétendre sauver le monde de ces tyrans et bouleverser des millénaires d’ordres établis en préservant les humains. Ils devaient savoir et ils devaient se battre.

     J’ai mis du temps à comprendre, mais la rupture m’a aidé. Je me suis rendue compte que rien ne se gagnait sans peine et sans douleur. Le bonheur nécessite un combat. Il est trop facile d’avoir peur et de ne pas prendre de risques. Trop facile d’abandonner et de se réfugier dans le malheur en pensant que c’est la faute au destin. La vie nous offre un nombre incalculable de possibilités. Tous les jours, elle nous donne des choix à faire. Et elle nous laissera toujours une seconde chance.

     Aujourd’hui, des milliers de personnes allaient se battre pour ce qu’elles voulaient. Et j’en serais.

     -Tu as tout ce qu’il faut, et tu te souviens du plan, c’est bon ? demanda Julian, un brin rébarbatif.

     -Ne t’inquiète pas ! le rassurais-je encore une fois, le regard entendu.

     -Très bien, très bien ! Alors j’y retourne. Fais attention à toi, implora-t-il en ouvrant la porte d’entrée.

     -A tout à l’heure ! lançais-je en la refermant derrière lui.

     L’instinct protecteur de Julian était agaçant, la plupart du temps. Mais il était surtout adorable. Il avait été mon plus grand allié ces dernières semaines. Il m’avait soutenu, consolé et surtout, il était le seul à comprendre ce que je voulais. Voilà comment il en était venu à m’aider une nouvelle fois, malgré les réticences de mes proches. Cristina, Robin et les autres ne voulaient pas que j’y retourne. Pour eux, j’avais déjà assez donné de ma personne. Moi je pense qu’on ne donne jamais assez de soi-même.

Amor MortisWhere stories live. Discover now