Chapitre XII

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XII.

     Il faisait sombre. Pour plusieurs mois l’obscurité s’était décidée à nous gagner. Il n’était que deux heures de l’après-midi mais le ciel semblait plus opaque et plus bas que jamais, laissant à peine passer la lumière. Les flocons tombaient en cascade et recouvrait le paysage d’un blanc parfait, cachant la moindre touche de couleur dans ce monde gris. Je n’avais jamais détesté la neige, ni même les journées d’hiver. Mais cette année, c’était différent.

     La neige tombait et les beaux jours s’étaient envolés. Le froid s’installait, la chaleur se faisait rare, le blanc était partout et la grisaille m’avait définitivement gagnée.

     Derrière la porte vitrée du salon, je regardais tomber les flocons, une main posée sur la vitre, glacée.

     Cela faisait deux semaines. Deux semaines qu’il était partit et que je ne l’avais pas revu. Deux semaines qu’il avait manifesté la ferme intention de me rayer de sa vie. Deux semaines que je souffrais en silence, inexplicablement.

     Cristina, que je voyais de plus en plus rarement, ne s’était même pas rendu compte de ma comédie. Quant à mes amis, ils s’étaient bien aperçu qu’il avait disparu. Il ne se présentait plus au lycée, et mon silence à ce propos avait bien suscité quelques questions en eux, mais je réussi tout de même à rendre crédible quelques mensonges. Avec eux, je me posais des questions, espérant les convaincre que je n’en savais pas plus, et arrivés au terme de la première semaine, ils avaient cessés de me parler de lui.

     C’était un immense soulagement. Rien que de penser à son prénom suscitait en moi une sensation que je ne saurais expliquer. Une vague d’inachevée sans doute. Et être obligée de mentir une fois de plus à mes amis, feignant d’être indifférente alors que j’étais loin de l’être n’était pas chose facile.

     Il n’y avait que Wendy que je n’arrivais pas à duper. La bonne humeur de Jeanne et sa capacité à voir le bien partout l’avaient sans doute dupé. Robin m’avait avoué être heureux du départ d’Austin et Adam était toujours ironiquement à côté de la plaque. Mais Wendy, elle, a bien vu que je ne trouvais plus d’inspiration dans la rédaction de nos articles. Je n’étais plus capable d’écrire quoi que ce soit, ni même de m’intéresser au moindre évènement. J’avais été contrainte, après avoir épuisé toutes les excuses possibles et imaginables, de lui raconter le pourquoi de la situation. Elle m’avait bien conseillé d’en parler aux autres mais il était hors de question pour moi de miner le moral des autres parce que le mien était au plus bas.

     Perdue dans mes pensées, je retirais ma main glacée de la vitre pour l’approcher du feu de cheminée. Le froid était devenu mon quotidien et je ne le ressentais même plus. Quant à la chaleur, elle était décevante car elle n’était en rien comparable au contact de sa peau sur la mienne. Tout ce que je ressentais depuis deux semaines était un vide que je n’arrivais pas à combler. Un vide dû à l’abandon, à la déception, aux regrets. Je ne ressentais plus rien.

     Je savais m’être attachée à lui, mais je ne pensais pas l’être autant. Surtout au bout de seulement une semaine. Je m’étais déjà attachée auparavant et j’avais déjà été déçue, ce n’était pas complètement nouveau. Mais le passé n’était en rien comparable à ce qui arrivait aujourd’hui. C’était tellement plus intense, tellement plus déroutant, tellement plus cruel.

     Il avait donné du rythme à ma vie, du sens à mes journées pour finalement me contraindre à le rayer de ma vie, se moquant de ce que je pouvais en penser et me bannissant de la sienne comme si je n’en n’avais jamais fait partie. C’était un sentiment abominable que d’avoir aimé sans l’avoir été en retour.

Amor MortisWhere stories live. Discover now