Chapitre XIV

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XIV.

     « Lucie, mon Amour,

Tu me manques énormément et je souffre chaque jour un peu plus d’être loin de toi. Il ne passe pas un moment sans que je regrette de ne pas pouvoir voir ma petite fille grandir. Si tu savais comme je m’en veux de vous faire souffrir ainsi. J’ai bien pensé à m’enfuir. Chaque jour j’y pense. Mais pour rien au monde je ne vous entraînerais dans ma chute. Je préfère mourir plutôt que l’on vous fasse du mal.

C’est pour cela que je ne vous rendrais pas visite avant six mois supplémentaires, au minimum. Je te prie de me pardonner mon Ange. Mon mal être se fait de plus en plus ressentir car j’ai de plus en plus de mal à le camoufler. J’ai tellement mal, tu comprends ? Je sais que je dois rester fort, pour vous. Mais la fatigue me gagne et je n’ai pas réussis à duper tout le monde. Mes amis les plus proches commencent à douter et je sais que s’ils apprenaient quelque chose, ils n’hésiteraient pas une seconde à me dénoncer. C’est pourquoi je dois calmer les esprits et me reprendre. Je t’en prie, encore une fois, ne m’en veux pas, car je le fais pour nous.

Je vous aime,

     Raphaël. »

     Celle-ci était datée de Janvier 1997. Un an avant la mort de ma mère. Pour tout dire, ce n’était qu’une lettre de plus parmi toutes les autres que j’avais lu jusque là. Mon père nous démontrait une fois de plus son amour pour nous. Amour qui semblait inconditionnel. Ces lettres me faisaient un bien fou car grâce à elles, j’avais en quelque sorte appris à le connaître et j’avais découvert en même temps que ce carton les origines de mon existence. Mais il y avait en même temps beaucoup de questions auxquelles elles n’avaient pas répondu. Ses lettres étaient écrites pour qu’il puisse nous dire, à ma mère et à moi, à quel point il nous aimait ; mais dans chacune de ses lettres, mon père semblait en sursis, avec une épée de Damoclès sur la tête. Et je ne savais toujours pas pourquoi. Je n’avais pas réussi à éliminer la thèse de la prison et je n’avais en même temps pas réussi à en trouver une autre tout aussi plausible.

     Il ne restait plus que deux lettres que je n’avais pas lues. Et je ne savais pas pourquoi je ressentais ça, mais j’avais un mauvais pressentiment. Comme si ces deux dernières lettres étaient décisives et qu’elles n’annonçaient rien de bon. Comme si elles allaient me détruire un peu plus.

     « Lucie, mon Amour,

Je dois faire vite, j’irais donc à l’essentiel.

Quelque chose de terrible va arriver et j’ai très peur des conséquences que cela pourra avoir. Un ange s’est fait prendre à aller sur Terre pour y rencontrer des femmes. Je t’épargnerais les détails de son arrestation, qui fut monstrueuse. Il est actuellement gardé en captivité par la hiérarchie et un grand procès se prépare. Je ne donne pas cher de son âme lorsqu’il sera jugé. C’est la première fois qu’un tel évènement se produit après la Chute, on peut donc s’attendre à tout. Séraphin Benoît m’a confié la lourde tâche de diriger le Conseil de l’Autorité Angélique à cette occasion… mais je ne m’en sens évidemment pas capable. Je crains trop que l’on lise sur mon visage ma culpabilité et que l’on devine que j’ai moi-même pêché pour les mêmes motifs. Seulement, les autres Séraphins ont estimé de moi que j’étais le plus sage de tous et que j’étais à la hauteur de cette tâche, ils ont donc refusés l’échange. Ce dont ils ne se doutent pas, c’est que c’est mon Amour pour toi qui me rend si sage. Je suis effrayé pour l’avenir et cette lettre sera peut être la dernière.

A toi et à mon petit ange,

Je vous aime, pour toujours et à jamais,

     Raphaël. »

Amor MortisWhere stories live. Discover now