Chapitre 1 (1)

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Tu acceptes sans hésiter la main qu'il te tend, et grimpes à ses côtés. Il ne perd pas de temps, et, sans même te poser une seule question sur toi, il commence immédiatement à te conter ses déconvenues sur un ton plaintif.

— Tu vois, c'est la première fois que j'amène moi-même mes marchandises à Hallamshire. J'ai perdu la moitié de ma cargaison en chemin, grogne-t-il. Cette charrette est un calvaire à manier ! Elle menace toutes les secondes de finir sa route dans le fossé !

Il pousse un long soupir, sa moustache se soulevant légèrement pour découvrir des lèvres charnues, recouvrant une dentition chaotique.

— Tu sais, pour l'acheminement du vin et des denrées fragiles, on préfère le transport fluvial, continue impassiblement le petit homme, bien décidé à vider son sac. Ça permet d'éviter les péages et l'embauche d'une escorte armée, qui est désormais indispensable à toute personne saine d'esprit comptant arriver à bon port en un seul morceau.

Il secoue la tête, et pousse un grognement mécontent.

— Eh bien, je pense que je vais m'y mettre, moi aussi. C'est mon dernier voyage en charrette, marmonne-t-il, fulminant, et ses poings écrasent les rennes. Ces routes sont insupportables ! Parsemées de pillards, écorcheurs, coupe-jarrets, détrousseurs, pressureurs, siphonneux et mendiants ! Oh mais, le plus grand ennemi du voyageur, ça reste quand même la nature. J'ai dû franchir des montagnes, des raidillons aux déclivités abruptes, des rivières, et même des fleuves ! J'ai crû que ma petite charrette allait se renverser au moins une centaine de fois !

Il y a un court instant de silence, et tu regardes un papillon voleter et se poser sur l'oreille d'un des chevaux, qui secoue brusquement la tête, mais le marchand n'y prête pas attention.

— Tu sais, reprend-il, la mine grave, avant de me lancer sur les routes, j'ai été prié de rédiger mon testament. D'écrire mes dernières volontés. Par précaution, qu'ils disaient ! M'enfin, ça montre quand même quelque chose...

La charrette fait un petit bond, comme les roues se heurtent à une petite crevasse.

— Et puis, ne regarde pas cette jolie chaussée en pierre, ajoute le petit commerçant. Ça fait plus de deux semaines que je voyage, et la plupart des chemins qu'empreinte cette charrette sont des cloaques trempés par la pluie et recouverts de boue ! Un enfer. Et les taxes...

Il pousse un gémissement plaintif.

— Ah, c'est devenu horriblement cher de voyager. Ces péages, ce sont des abus qui bénéficient aux seigneurs possédant des fiefs ! Comme si on ne dépensait pas déjà assez avec le droit de tonlieu*...

Tu ne peux pas t'empêcher de laisser échapper un bâillement : la journée t'a épuisé, aussi bien physiquement que moralement. Cela semble ramener le petit homme à la réalité, et il se reprend, sur un ton plus doux :

— Pauvre enfant, je dois bien t'ennuyer avec toutes mes histoires de route... Pardon, pardon. Mais vieux et avare comme je suis, tout ce que je sais faire, c'est me plaindre. Repose-toi donc un peu, tu as l'air d'en avoir besoin ! Quant à moi, je vais fermer cette grande bouche qui est la mienne, et me concentrer plutôt sur la route.

Le voyage se déroule donc en silence. Le véhicule est en effet très incommodant, et tu es secoué et sens chaque petite imperfection de la route. Impossible de s'endormir dans de telles conditions. Tu te contentes donc d'admirer le paysage, et c'est avec soulagement que tu vois l'image d'Hallamshire se rapprocher.

— Nous sommes arrivés, t'avertit le vieux marchand, mais tu es déjà en train d'admirer les immenses portes de la ville.

[Vous êtes arrivés à Hallamshire.]

[Rends-toi en (3)]
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—GLOSSAIRE—

*le droit de tonlieu : taxe dont doivent s'acquitter les marchands pour pouvoir déballer leurs marchandises sur le marché. C'est aussi un péage sur le passage d'obstacles naturels : rivière, fleuve (pont, bac) ou l'entrée de certaines cités.

Fiery Quest (Épopée interactive)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant