Moi, mon Portable et l'Idiot d'en Face

Chapitre 20

Nora devait nous chercher vers dix-sept heures et nous ramener chez elle pour nous préparer. Comme ma maison se situait à mi-chemin, Holly m'avait rejoint en début d'après-midi. Depuis, Holly se battait avec ses cheveux, qu'elle avait eu la brillante idée de colorer à la craie verte et je cherchais dans mes affaires des collants que Pampy n'avait pas déchiré.

« Elena est malade, grogna Holly alors qu'elle butait sur un nœud.

- T'as vu, commentai-je. Mais en même temps, elle m'a un peu foutu les ch'tons.

- Tu m'étonnes.

- Qu'est-ce qu'elle a fait à Nora ? »

Holly haussa les épaules.

« Je ne sais pas...

- Tu ne sais pas grand-chose, Holly Snow, la coupai-je, pas peu fière de ma blague.

- Evidemment ! me répondit-elle, roulant des yeux. Mais, ce que je voulais dire avant qu'Ygritte Green ne me coupe la parole, c'est que Nora ne m'a jamais parlé d'Elena.

- Il faudrait peut-être qu'on creuse, fis-je remarquer. »

Holly opina doucement.

« Oui. »

Et comme elle parvenait à défaire le dernier nœud dans ses cheveux, Nora sonnait à la porte.

« Mais pas ce soir, intervint tout à coup Holly. Laissons-la s'amuser et embêtons-la avec ses soucis à un autre moment.

- Oui, c'est vrai. »

OooO

Nora était surexcitée. Quand nous entrâmes dans le café, elle tournoya sur elle-même, soulevant sa robe de mariée et salua chaleureusement deux filles que je ne connaissais pas. Jack et Horne s'étaient débarrassés de l'entièreté du mobilier (nous avions réservés des boxes à quelques kilomètres sur le port pour l'occasion), et avaient installé un décor soigné aux petits oignons. C'était une sorte de salle de bal gothique qui donnait sur un faux cimetière. Sur la piste de danse se déhanchait déjà certains de mes amis (Alex et James étaient les plus bruyants) mais je n'avais toujours pas repéré Seth.

Pour l'occasion, la plupart du staff s'était déguisé en mort vivant à l'exception de Leith. Il était au bar, on l'aurait cru dans son élément. Il servait une bière, la seconde d'après, il remplissait un verre de punch. Je n'avais pas tout de suite reconnu son déguisement. Après tout, on aurait dit qu'il était habillé comme n'importe quel barman. Et puis, un des LED au-dessus du bar tressauta, la lumière devint subitement violette et son visage s'illumina de couleurs.

Il releva la tête, me vit, et me salua. Il fallait le dire, la tête de mort mexicaine lui allait à merveille. Je lui souriais en retour avant de me faire happer par Nora qui tenait déjà des verres en mains. Elle portait une robe blanche, du genre dentelle et froufrous, salie exprès pour l'occasion avec de la terre, des feuilles et du faux sang gluant. Son maquillage avait terni sa peau, creusé ses traits et accentué son regard ensorcelant tandis que ses cheveux avaient été volontairement négligé. Son visage respirait le bonheur et la joie et quand j'attrapai le verre qu'elle me tendait, elle en profita pour m'attirer au milieu de la piste de danse.

J'adorais les fêtes. Je pensais être la seule personne à aimer éperdument ce genre de chose. Jusqu'à ce que je rencontre Nora. Si je me démenai sur la piste, Nora tuait tout. Nous avions perdu Holly, qui dans sa tenue de créature de Frankenstein, s'était vite fait avalée par la foule. Après tout, Holly était connue pour coudre ses costumes elle-même (m'avait raconté Nora dans la voiture). Trois années de suite, l'amérindienne avait remporté le prix du meilleur costume à la foire de l'automne et quelques admirateurs et admiratrices s'étaient empressés de nous l'enlever.