Chapitre 33

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« Tu as quoi ? répéta Leith de sa voix la plus nasillarde possible, imitant ma meilleure amie avec une demi-seconde de retard sur notre discussion. »

Ouh. Temps mort !

Enormément d'informations dans cette accroche ! Et si nous prenions un temps pour décrypter cette situation ?

Lieu du crime : le café. Témoins : Keira et moi-même. Principal suspect : Leith. Victime : ma fierté.

Description du crime. A quatorze heures trente, un café presque vide. Keira et moi attendions la visite de Nora et d'Holly pour aller voir le dernier film de Noël, sorte de tradition incontournable et nécessaire à toutes bonnes vacances de décembre qui se respectent. Vers quatorze heures tente deux, le principal suspect entre. Il nous salue, se met à astiquer son verre de bière puisque c'est là sa seule et unique passion dans la vie. Vers quatorze heures quarante et cinq minutes, trente-six secondes – okay, là, je mens, Keira me demande ce que j'ai dit à Seth dans la cabine de la grand roue. A quatorze heures cinquante-neuf sonnante, j'ai fini de lui raconter. Le drame survient.

Quinze heure, heure du crime. Keira s'indigne, s'écriant « Tu as quoi ? ». Leith relève la tête, cesse d'astiquer son verre et d'un regard halluciné, répète :

« Tu as quoi ? »

La boucle temporelle est bouclée. Avis aux studios ? C'est à vous.

« J'ai paniqué ! me défendis-je alors que je refusais d'affronter l'hilarité de mon collègue, préférant le regard sévère de ma meilleure amie. Et puis, ça ne veut rien dire !

- J'y crois pas ! rétorqua Keira. Tu l'as remballé !

- Je l'ai pas remballé. »

Leith toussota.

« Euh, je suis peut-être un individu du sexe masculin, s'excusa-t-il poliment, mais dans le cadre où nous sommes dans la vraie vie, il se trouve que j'ai suffisamment de jugeotte pour appuyer l'affirmation de Keira. Tu as remballé Seth Potter. Et tu l'as fait en beauté.

- On t'a pas sonné, répliquai-je en envoyant mon poing dans son épaule. Et d'abord, je comprends même pas le début de ton intervention inutile !

- Bah, je sais pas, me répondit Leith en se frottant ladite épaule. On demande jamais l'avis des mecs dans les histoires.

- On est pas dans une histoire, grognai-je.

- Ouais, bah je m'exprime quand même. »

Keira pouffa. Ou comment ma meilleure amie était la preuve vivant que personne ne m'aimait assez pour se ranger de mon côté.

« Enfin bref, s'exclama-t-elle finalement. Je comprends toujours pas pourquoi Seth t'a embrassé. Après, ça, on peut éventuellement passer outre. Mais, franchement, t'a rien ressenti ?

- Seth t'a embrassé ? s'indigna Leith alors que l'information avait voyagé jusqu'à son cerveau, manquant de lâcher son verre.

- Mais c'est pas possible ! m'agaçai-je en jetant un rapide coup d'œil à mon collègue qui riait presque aux larmes. Oui, il m'a embrassé ! »

Leith percuta tout à coup et se pencha vers moi, l'air inquiet. Il posa son verre sur le comptoir – verre qui devait être plus sec que ma peau après une semaine d'exposition au soleil, et me tapota la joue. Puis, sans me demander mon avis, il attrapa mes paupières gauches entre son pouce et son index pour les écarter sans ménagement.

« Tu n'as pas l'air malade, pourtant... souffla-t-il. »

Je me dégageai, écrasant au passage sa main qui gisait sur le comptoir avec mon coude. Leith se recula brusquement et me lança un regard de chien battu.

Moi, mon Portable et l'Idiot d'en FaceWhere stories live. Discover now