Moi, mon Portable et l'Idiot d'en Face

Chapitre 55

Nate s'arrêta un instant et m'arracha la carte des mains.

« T'es sûre que c'était la première à droite ? s'inquiéta-t-il pour la énième fois.

- Mais je te dis que oui ! grognai-je. J'ai vérifié trois fois.

- Moi, j'ai écouté le sol ! se manifesta James. Comme Aragorn dans le Seigneur des Anneaux.

- Et ça n'a servi à rien... souligna Nora en croisant les bras sur sa poitrine. »

Nous observâmes un instant les bois alentours. Mes yeux s'arrêtèrent un instant sur une petite souche rongée par la mousse qui m'était étrangement familière.

« On est déjà passé par là... soupirai-je, au bord du désespoir.

- Je l'avais bien dit ! s'exclama Nora. A force de tout le temps prendre à droite, on finit par revenir sur nos pas ! Pourquoi est-ce qu'on t'a confié la carte, déjà ? »

Je me grattais le menton, l'air dubitative. Il ne fallait pas non plus pousser mémé dans les orties, hé !

« Euh... Peut-être parce que James est incapable de faire la différence entre sa gauche et sa droite, que tu as refusé de prendre cette responsabilité et que Nate a absolument tenu à ce que je le fasse ! »

Avais-je été sarcastique ? Oui. Complètement.

Avais-je honte ? Non.

Je n'avais jamais honte.

James jeta un coup d'œil à son téléphone. Nous n'avions même pas de réseau pour essayer de contacter Seth, Alex ou Holly. Quelle idée de nous faire faire une course d'orientation dans la forêt autour du camp, aussi ? Pour coller à notre programme de littérature... nous avait assuré Emett avant de nous lâcher sur la ligne de départ.

On se rapprochait soi-disant de la démarche de l'auteur, du quotidien des personnages et de l'esprit du roman. Mais personnellement, quand on me disait L'appel de la forêt, je ne me sentais pas spécialement chien de traineau ni future membre d'une meute de loup. Je n'avais pas non plus une envie soudaine d'entrer dans une forêt pour ne faire plus qu'un avec mon moi sauvage et j'étais encore moins persuadée que Jack London avait écrit son roman après une flopée de course d'orientation réussi grâce à son sixième sens animal.

Mais les voies de l'écriture étaient impénétrables... Et c'était à peu près comme ça que nous nous étions retrouvés à arpenter les bois qui entouraient le camp en petit groupe, à la recherche des traces d'une meute (fictive, précisons-le tout de même) de loup. Au départ, tout s'était bien passé. Nous avions pioché l'itinéraire sept avec James, Nate et Nora. J'avais regardé Seth s'éloigner en compagnie d'Alex, Holly et Elena sur la route dix avec un pincement au cœur et m'étais enfoncée sur mon propre sentier.

Et puis, je ne sais plus trop à quel moment, notre petite balade sylvestre avait basculé au cauchemar. James avait perdu son réseau en pleine conversation avec sa sœur, Nora s'était pris les pieds dans une racine et son pantalon était à présent couvert de boue et Nate n'arrêtait pas de remettre mes choix d'orientation en question.

ET OUI, il avait raison de le faire. Merci Josiane pour ton soutien !

« Bon, on fait quoi, alors ? s'inquiéta Nora. On devait être sorti de la forêt depuis une demi-heure...

- Bah, on va vers le nord, proposa James. C'est pas ce qu'il faut faire quand on est perdu ?

- Y a un éclairé qui a aussi dit qu'il fallait toujours tourner à droite, marmonna Nate. Et regardez où on en est... »