Chapitre vingt-et-un

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– As-tu un jour envisagé que Voldemort arrive au pouvoir ?

Draco tressaillit à l'entente de ce nom, lui provoquant d'inopportuns frissons le long de sa colonne vertébrale. Il ne s'habituerait probablement jamais à l'idée d'être en sécurité, désormais, sans nécessiter un qui-vive permanant lui accordant potentiellement quelques minutes de répit.

Une fois la surprise passée, le jeune homme fronça les sourcils, analysant les traits de celui qui l'avait interrogé. Les prunelles de Harry étaient particulièrement attentives, un léger pli barrait son front alors qu'il braquait sur le Serpentard un regard d'une profondeur hors-norme. Cependant, ce n'est pas l'intensité de cette vision qui troubla Draco, il lui semblait presque être continuellement épié de la sorte, l'unique détail qui l'intriguait encore demeurait la hauteur de la curiosité sous-jacente à ces mots.

Une simple question, interrogation passagère, qui nécessitait pourtant d'une sincérité époustouflante. Draco saurait-il exprimer ses pensées sans ciller ? Il avait songé tant de fois à l'éventualité d'une société privée de ses libertés qu'il en avait perdu le sommeil à répétition. Il s'était même mis à penser que tourner de l'œil un instant plongerait le monde dans un chaos tel que le jour ne réapparaitrait jamais.

Comment exprimer une telle angoisse, la fulgurance des maux que cette idée lui provoquait ? Malgré toute la difficulté qu'il avait à formuler quelque réponse qui aurait trouvé grâce à ses yeux, ses lèvres s'animèrent seules, déversant un flot de paroles qui le surprirent lui-même.

– Dans les rangs de Lord... Voldemort, souffla-t-il d'un ton presque inaudible, il était difficile d'envisager quelconque forme d'avenir. J'avais constamment l'intime conviction qu'il n'y aurait pas de lendemain, autant que les jours se répétaient et formaient une boucle interminable d'angoisses et d'incertitudes, il m'est arrivé d'envisager la mort avec plus de sérénité que la continuité de cette vie-là. Je dirais même que là-bas, il n'y aurait eu aucune différence entre la vie qu'il nous faisait vivre et ce qui serait advenu s'il avait pris les rennes du monde sorcier. Quoiqu'il se passe, peu importe de quelle façon la lumière tentait de s'immiscer là-dedans, nous en revenions toujours au même point : il était partout, avoua-t-il d'une voix étonnamment claire, presque dénuée d'émotions.

Depuis la défection de Voldemort, le garçon n'avait eu de cesse de se répéter qu'une telle situation ne se reproduirait jamais. Il avait tenté, maintes et maintes fois, de se départir de cet étau qui resserrait davantage son cœur à mesure que l'espoir reprenait place : il lui semblait qu'il n'avait pas le droit de s'autoriser à songer à un monde loin de son emprise, libéré des chaînes qu'il lui avait enfilé aux poignets. Non pas qu'il ait le sentiment de devoir quoi que ce soit au Seigneur des Ténèbres, mais on l'avait tant persuadé qu'il n'avait pas le droit à la liberté, qu'il se sentait illégitime à vivre tandis que les siens se complaisaient toujours dans les idées avec lesquelles ils avaient été élevés.

Quoi qu'il fasse, où qu'il aille, Draco aurait toujours la sensation d'être illégitime.

Comment expliquer cela à quelqu'un qui méritait tout ce que le monde avait à lui offrir, et plus encore ?

Harry hocha la tête avec gravité, se souvenant avec regret de cette rencontre, en sixième année, durant laquelle il avait déversé toute sa haine contre le jeune homme en dépit de l'état dans lequel il l'avait trouvé. Pire encore, il se souvenait avec une clarté effarante de la fureur qui s'était emparée de lui, lorsque le Serpentard avait menacé Dumbledore de sa baguette. Il l'avait alors trouvé lâche, il l'avait maudit de tout son être et aurait sans doute été capable d'écourter ses jours sous le simple coup d'une impulsion. Il avait tout ignoré des tremblements qui s'étaient emparés des mains de Draco, de l'éclair de panique qui avait naquit dans ses prunelles, des tressautements de sa voix à mesure que le Serpentard tentait de garder la tête haute malgré la déferlante de regrets qui l'engloutissait de tout son poids.

" 𝓁𝑜𝓋𝑒 𝓅𝑜𝓉𝒾𝑜𝓃 " - DRARRY/THEOMIONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant