Chapitre 12

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Le temps avec Allande passe doucement. Il lui apprend ce qu'il faut apprendre, dit les mots qu'il faut dire et l'aide comme il peut. Le soir, ils mangent, confortablement assis à sa table en bois - souvent, il essaie d'en savoir plus sur son passé - puis ils vont se coucher. De temps à autre, Freyja pleure en silence, mais lorsque le nouveau jour se lève, ses larmes ont séché. 

Un matin, Allande annonce qu'ils vont aller voir un malade un peu plus loin et Freyja hoche la tête, les cheveux en bataille, les yeux encore un peu gonflés par le sommeil. Elle avale quelque chose à manger puis suit le guérisseur. Le trajet, un peu plus long que d'habitude se déroule dans le silence. Finalement, ils arrivent devant une petite maison et Allande hoche la tête.
"On est arrivé.", dit-il de sa voix calme, "L'homme qui nous attend et l'un de mes plus vieux patients."
Freyja sourit et suit le guérisseur lorsqu'il pénètre à l'intérieur de la maison modeste. Un homme y est allongé dans un lit, les yeux mi-clos, la tête un peu penchée vers le côté, la peau pâle presque transparente et luisante de sueur.
"Allande, tu es enfin là.", dit-il et Freyja sursaute,  ne s'attendant pas à ce qu'il les ai entendu entrer. Il a une voix douce, presque silencieuse et un peu brisée sur les bords. À côté d'elle, Allande sourit et s'approche du malade. La jeune femme le suit timidement.
"Tu n'es pas seul à ce que j'entends.", dit à nouveau le vieil homme, ouvrant d'un coup ses yeux. Le guérisseur tend la main vers Freyja.
"Laisse-moi te présenter -"
"Frigg !", s'exclame brusquement le vieil homme, les yeux exorbités, faisant un bond en avant, "Par tout les Dieux, Frigg !"

Stupéfaite, Freyja pâlit et recule d'un pas. Elle secoue la tête.
"Non... Non, mon prénom est Freyja. "
Le vieil homme continue à la fixer, les pensées défilant derrière ses yeux, puis tout d'un coup, un sourire caresse son visage.
"Bon sang, évidemment.", grommelle-t-il tandis qu' Allande fronce les sourcils.
"Est-ce que c'est la fièvre qui-"
Le vieil homme rit.
"Oh non, Allande, je ne suis pas fou et ce n'est pas ma fièvre qui parle! Dis-moi, ma fille, comment s'appelait tes parents ?"
Freyja fronce les sourcils à son tour, confuse.
"Mon père s'appelait Jorn et ma mère..." Oh. "Ma mère s'appelait Frigg." Les yeux du vieil homme se mettent à briller.
"Bon sang... Bon sang... ", répète-t-il tandis que Freyja grimace intérieurement, de plus en plus mal à l'aise. Qui est cet homme?
"Vous connaissiez mes parents ?"
Il hoche la tête.
"Oh oui ! Nous étions voisins pour des années. Mais la ressemblance que tu as avec ta mère ! C'est incroyable. Et tes frères, comment vont - ils ?"
Freyja sursaute.
"Mes frères ? Je n'en ai qu'un, Tore. Il est parti un matin et n'est plus jamais revenu."
Le vieil homme semble perplexe.
"Mais Frigg a accouché d'un deuxième garçon, pourtant!"
La gorge de la jeune femme se serre.
"Non.", murmure-t-elle, "Elle est morte avant même que l'enfant vienne au monde. C'est ce que mon père m'a toujours dit."
Le visage de l'homme s'adoucit tandis qu'il ferme un instant puis soupire.
"Ma pauvre petite. Jorn... Il aimait sa femme de tout son coeur et tu as bien raison, la pauvre est morte bien trop jeune en donnant la vie. Cependant... L'enfant a pu être sauvé mais Jorn était si attristé par la mort de sa femme qu'il n'a pas voulu de l'enfant qu'il considérait coupable de sa mort. Pauvre homme."

Les mains de Freyja se mettent à trembler tandis que sa mémoire cherche désespérément des preuves aux mots du vieil homme, des preuves dans un passé trop flou et trop loin.
"Mon père n'aurait jamais abandonné un enfant.", murmure-t-elle alors et le malade hoche doucement la tête.
"Bien sûr que non. Une famille d'un village proche l'a adopté."
Freyja ferme les yeux. J'ai un frère ! Elle se passe sa langue sur les lèvres.
"Et Tore ? Sais - tu quelque chose sur lui ?"
Le vieil homme réfléchit un instant.
"Je ne sais pas ce qu'il est advenu de lui. Mais... Je me souviens d'une discussion avec Jorn. La famille ayant accepté d'adopter son fils avait demandé une somme d'argent considérable en échange, somme que ton père n'avait pas. Il avait demandé de l'aide auprès du chef du village qui le lui avait accordé en échange d'un certains nombres de service. Jorn avait accepté et au fur et à mesure, c'est Tore qui allait effectuer les tâches. La dernière fois que je lui ai parlé, Jorn me disait que la dette était presque payé."
Freyja soupire.
"Et ensuite Tore est parti sans être jamais revenu."
Le vieil homme hoche tristement la tête lorsqu'une quinte de toux le secoue brusquement et Allande fait un bon en avant.
"Doucement, doucement, assez parlé de souvenir."

Vénus en fleursWhere stories live. Discover now