Chapitre 23

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Freyja regarde Faolàn parler sans réellement comprendre ce qu’il dit. Tout semble trop surréaliste. Complètement impossible. Les horreurs s’enchaînent, se suivent, empirent et ne semblent plus vouloir s’arrêter. Du meurtre, au viol, à la maladie et à la fuite, Freyja semble avoir tout vécu d'après lui. Impossible.

Faolàn cesse de parler, l’air nerveux, scrutant son visage et attendant sa réaction. Freyja ouvre la bouche, la referme, les yeux écarquillés, ne sachant pas quoi dire. Elle ne s’identifie pas à l’histoire qui vient de lui être racontée pendant qu'elle cherche frénétiquement la trace de ces événements dans sa mémoire vidée.

« C’est tout ? », finit-elle par balbutier sans réfléchir, complètement et totalement paumée. Comment tout ça pouvait-il être possible ? Comment l’homme la tenant dans ses bras à ce moment même pouvait-il lui avoir infligé du mal dont elle n’a pas le moindre souvenir ?

Le regard du jeune homme devient incertain, légèrement perturbé. Il se passe une main dans les cheveux blonds.
« C’est tout ? Freyja, est-ce que tu m’as écouté ? »

Elle hoche seulement la tête, les yeux doucement dans le vide, les mains appuyées sur le torse de Faolàn, incapable de donner un sens à tout ça. Elle se lèche les lèvres et tente de formuler une pensée cohérente. Il faut qu’elle demande des preuves, des vérifications… Une voix lui crie qu’elle devrait s’éloigner de cet homme qui l’a blessé, repousse-le !
« Pourquoi ? », demande-t-elle seulement d’une voix presque innocente, « Pourquoi on m’a fait ça ? Pourquoi tu m’as fait ça ? Tu me détestes ? »

Faolàn rit durement et rejette sa tête en arrière, cette fois les deux mains dans la tignasse.
« Si tu savais, gamine ! »
La jeune femme fronce les sourcils, ne comprenant pas sa réponse ; était-ce un oui ? Un non ? Elle attend un peu, penchant la tête sur le côté, demandant silencieusement à Faolàn d’élaborer sa réponse. Il la regarde un instant, secouant presque tendrement la tête, légèrement désespéré devant le manque de réaction de la jeune femme. 
« Si tu savais, Freyja, à quel point je… Bordel, comment veux-tu que je te déteste ! Lorsque je t’ai emmené de ce putain de village… Je m’attendais à une jolie petite villageoise qui fermerait sa bouche et ouvrirait ses jambes pour rester en vie, pas à… pas à une gamine qui se battrait griffes et ongles pour sa liberté. Tu m’as mordu, tu m’as insulté, tu as pleuré, tu m’as jeté mes quatre vérités en pleine figure et… », il inspire profondément, « Tu m’as rapporté l’humanité que j’avais perdu. Tu étais insupportablement rebelle et bruyante, incroyablement forte, infiniment humaine alors que moi, je n’étais déjà plus qu’une carcasse sadique. Tu m’as fait revivre, tu m’as fait ressentir. Tu m’as fait pleurer, bordel, tu m’as fait rire, tu m’as fait aimer. Et si j’ai fait tout ce que j’ai fait… je pense que c’est justement pour ça. Tu as bouleversé la vie que j’avais réussi à me construire, tu m’as obligé à faire face à une réalité dont je ne voulais pas. Je ne voulais pas de ces sentiments à la con, de ces remords, alors j’ai essayé de les contrer en étant encore plus dur qu’avant. Mais… ça n’a pas marché. »

Freyja le regarde dans les yeux, étrangement sereine, repousse-le ! Repousse-le !  Il rougit légèrement et cherche à baisser le regard.
« Tu voulais me faire du mal parce que tu m’aimais bien ? »
Faolàn serre les dents.
« C’est à peu près ça. »
Freyja le regarde d’un air contemplatif.
« Et maintenant ? Est-ce que tu me ferais mal à nouveau ? »
La tête du jeune homme fait un bond vers le haut.
« Non ! Enfin je veux dire, non, non, je ne referais plus des choses pareilles ! »

Lentement, la jeune femme lui pose une main sur la joue, surprise par la sincérité profonde qu’elle voit dans les yeux de Faolàn. Elle secoue la tête et tente d’ordonner les sentiments confus qui tourbillonnent dans son corps.
« Je… C’est si bizarre… J’ai l’impression que tu me parle d’une autre personne, de quelqu’un que je ne connais pas alors que je sais pertinemment que tu parles de moi. Je sais que je devrais être choquée, je devrais peut-être pleurer et ressentir de la haine envers toi, envers Pranan… Pour ce que vous avez faits… Pour ce que vous êtes… »

Vénus en fleursWhere stories live. Discover now