Chapitre 31

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Lentement, Faolàn ouvre les yeux lorsque les vapes du sommeil s'évaporent peu à peu de sa tête et le font revenir à la conscience. Il a mal à la tête, mal aux bras, extrêmement mal à... Lentement il baisse les yeux vers sa jambe et tend une main un peu incertaine. Lorsqu'il s'attend à toucher sa cuisse, ses doigts touchent du vide. Paniqué, il les bouge un peu lorsque brusquement les évènements du jour précédent lui reviennent en mémoire. Il pâlit et laisse retomber sa tête en arrière. Ses yeux fixent le plafond. Il ignore la douleur et les petits points noirs devant ses yeux. Je n'ai plus de jambe. Je n'ai plus de jambe. Il sent ses poings se mettre à trembler un petit peu.

A côté de lui, il sent quelqu'un bouger – il tourne un peu son visage et se retrouve nez à nez avec Freyja. Il se passe une langue sur les lèvres. Je n'ai plus de jambe. La pensée tourne en boucle et il sent sa respiration accélérée, lorsqu'il comprend toute la dimension de cette perte. Je ne vais plus pouvoir marcher. Courir. Je vais être dépendant de quelqu'un pour l'éternité. Faolàn ferme à nouveau les yeux et inspire bruyamment, tendant à nouveau sa main pour sentir le vide. Un sentiment de désespoir lui coupe la respiration. Je ne suis plus qu'un demi homme. Comment était-il supposé continuer à vivre, sans force et sans jambe ? Et quand est-ce que cette douleur mordante qui lui rappelle à chaque seconde l'opération allait-elle cesser ?

L'opération. Il tente d'ignorer les souvenirs. Les odeurs de sang. Les bruits de l'os... Il tente de calmer sa respiration, tente de penser à autre chose. Il rouvre les yeux. Quand est-ce que la vie aurait pitié de lui et arrêterait de le malmener ? Il sent un rire ironique lui échapper. Peut-être qu'il n'était tout simplement fait pour vivre. Peut-être que ce n'était pas Freyja mais bien lui qui aurait dû se jeter de cette falaise. Peut-être que... Et puis comment était-il censé continuer à vivre maintenant ? Rester allonger, vieillir seul et immobile ? Plutôt crever.

A côté de lui, Freyja se réveille à son tour. Lorsqu'elle regarde autour d'elle, elle voit Faolàn, les yeux vers le plafond, une expression de vide sur le visage. Elle déglutit. Baisse un peu les yeux, comme pour se remémorer que le soir d'avant avait réellement eut lieu. Elle pousse une respiration tremblante et impulsivement pose une main sur l'épaule du jeune homme. Il inspire profondément, referme les yeux et pose sa main fermement sur la sienne.

« Faolàn, je suis désolée. », murmure-t-elle, la voix encore rauque de sommeil. Elle ne sait pas quoi dire et ne sais pas quoi faire car elle a conscience qu'aucun mot d'excuse, aucune phrase de réconfort ne peut aider Faolàn ni remplacer sa jambe. Sans la regarder, il hoche la tête.

« Ça va aller. », dit-il simplement, la voix cassée, ne voulant pas parler de ce qu'il ressent plus que nécessaire. Du mieux qu'il peut, Faolàn garde un visage neutre, serre les dents. Il sent Freyja se tendre un petit peu à côté de lui puis se redresser, sa main toujours sur son épaule. Elle se penche en avant, jusqu'à ce que son visage soit presque en face du sien. Elle secoue la tête.

« Évidemment que ça va aller. », dit-elle doucement, « Mais... Comment tu te sens ? »

La jeune femme regrette aussitôt sa question. A ton avis, comment se sent - il ? Faolàn sourit faiblement.

« J'ai mal à la jambe. », dit-il simplement, sans ajouter de détail.

« Faolàn... Je ne te parle pas que de ta jambe. »

Il soupire et ouvre ses prunelles pour la regarder droit dans les yeux. Son regard bleu semble dénué de toute émotion.

« J'ai mal. A ma jambe. Je n'ai pas envie de parler du reste. »

Freyja le fixe un instant, surprise par la dureté qu'emploie le jeune homme pour lui répondre. Elle finit par hocher la tête.

« Très bien. », dit-elle aussi froidement que lui, retirant sa main d'un coup brusque, se retournant et sortant du lit, « Je vais te chercher quelque chose contre la douleur. »

Vénus en fleursWhere stories live. Discover now