Chapitre 20 (partie 1)

4.5K 433 11
                                    

Lorsqu'ils se mettent en route le lendemain, le soleil n'est même pas encore levé et Freyja a du mal à garder les yeux ouverts. Faolàn, Pranan, Allande et elle s'installent silencieusement dans la charrette et se mettent à avancer. Le claquement des talons du cheval résonne doucement et la jeune femme sent son corps bercé par la cadence régulière de l'animal qui avance.

Les roues tapent contre un obstacle et secouée, Freyja est sortie de sa transe.
"Putain!"
Elle se retourne brusquement lorsque Faolàn jure puis grogne. Il tient sa jambe à deux mains et serre les dents.
"Est-ce que... Ça va ?", demande-t-elle en hésitant, ne comprenant pas tout à fait comment un petit coup brusque a pu faire apparaître une telle expression sur le visage du jeune homme. Ce dernier rit durement.
"À ton avis, ma belle. Je me tiens la jambe parce que j'aime ça, évidemment !"
Sa voix est tranchante et ironique et Freyja serre les dents. Ce crétin mérite une paire de gifle !
"Pas besoin d'être aussi peu aimable, esclave, j'essaie seulement d'aider.", rétorque-t-elle en sifflant. Faolàn serre ses mains autour de sa jambe.
"Tes questions idiotes ne m'aident pas du tout, maîtresse."
"Mais dis-nous ce que tu as au lieu de faire de la provocation inutile !", s'exclame Pranan en secouant la tête. Faolàn lui lance un regard meurtrier tandis que Freyja lève les yeux au ciel.
"Tu as mal à la jambe? Bobo au genoux ? Une crampe au mollet ?", dit-elle, exaspérée. Faolàn grogne rageusement puis d'un coup brusque relève la jambe de son pantalon.
Le coeur de Freyja rate un battement.
"Oui, bordel, j'ai mal à la jambe, vas-y, moque-toi!"
La jeune fille n'a pas le moins du monde envie de se moquer lorsque la bile lui remonte dans la gorge.
"Oh bon sang !", souffle-t-elle.

La jambe de Faolàn est couverte d'une plaie énorme et sanguinolente, enroulée dans un vieux morceaux de tissu précaire.
"Allande, arrête-toi. ", demande-t-elle puis s'approche de Faolàn, "Pourquoi tu n'as rien dit ? Qui t'as fait ça? Il faut soigner ça immédiatement !"
Le jeune homme rit amèrement.
"À qui voulais-tu que je le dise ? Tu ne crois quand même pas que j'aurais accouru comme un chiot blessé pour que tu t'occupes de ma jambe dès que tu m'a sorti de l'enfer dans lequel j'étais ? Et qui m'a fait ça ? Oh, devine, mon ange, mes bienfaiteurs, qui se faisaient un plaisir monstre à me torturer puis à rouvrir mes blessures !"
La charrette s'arrête brusquement.
"Écoute-moi bien, crétin. Comme tu l'as dit, je t'ai sorti de l'enfer. Je t'ai donné à manger et un lieu pour dormir, j'ai tenté de t'aider et d'être aussi aimable que possible. C'est la deuxième fois que nous avons ce genre de discussion et je commence à en avoir assez. Tu as une putain de blessure ouverte à ta jambe qui est sûrement infecté et tu n'arrives même pas à marcher. Alors écoute-moi bien. Tu peux continuer à jouer les enfants de salauds pour garder ta fierté mal placé mais alors je t'abandonne dans ton état au bord de la route. J'en ai marre de me faire tourner en bourrique par toi. J'en ai marre. Donc soit ça, soit tu fermes gentiment ta grande bouche et je m'occupe de ta blessure et on peut même essayer de discuter normalement."

Faolàn la regarde bouche-bée. Il cligne des yeux une fois. Deux fois. Jusqu'à ce qu'un sourire lui caresse lentement le visage.
"Tu as toujours la même langue de vipère, gamine, ta chute ne t'as pas totalement fracassée le cerveau à ce que je vois."
Dans la charrette, tout le monde se fige.
"On n'est pas censé parler de ça.", siffle Pranan.
"Parler de quoi ?", grogne Freyja. Allande lui met une main sur l'épaule.
"De rien, petite."
"Non, non, je veux savoir, parler de quoi - Faolàn !"
Faolàn ricane un peu.
"Ah, ils ne te l'ont pas dit."
"De quoi tu parles ?"
"Mais de nous, mon coeur !"
La voix de Faolàn est glaciale, presque hystérique. Freyja le regarde, perdue.
"Nous ?"
Il sourit froidement.
"Oui. Tu sais, je te connaissais d'avant ta chute. Même tête, même langue fourchue. Même corps. Je mourrais de désir pour lui et -"
"Ça suffit !", s'exclame Allande tandis que la jeune fille pâlit.
"Crève!", crache-t-elle, les mains tremblantes, "Je ne sais pas ce qui me retient de te prendre et de te jeter au sol!"
"Tu m'as même mordu les-"
"Silence !", tonne le guérisseur, le visage rouge de colère mais Faolàn ne s'arrête pas et  part dans un délire d'obscénités. Sans réfléchir, Freyja lève la main et le gifle. Faolàn se fige et lève ses yeux vers elle et se tait. Quelque chose d'indéfinissable traverse ses yeux tandis que sa joue rougit. La main de la jeune femme retombe mollement et d'une voix fatiguée elle dit :
"Je vais m'occuper de ta blessure. Allande, tu peux avancer."
Sans un mot, le guérisseur remet la charrette en route et Faolàn hoche seulement la tête, sans parler, la joue rougissante sous le coup.

Vénus en fleursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant