attendre

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et voilà. il est dix-sept heures dix-neuf, et j'ai jeté mes deux sacs trop lourds et trop remplis à mes pieds. je me suis ruinée en achetant une nouvelle paire d'écouteurs de daube et des feuilles tellement fines qu'on y voit à travers. j'ai encore dix minutes au moins à attendre mon bus, qui m'amènera dans le village voisin du mien. j'y attendrai ma mère peut-être une dizaine de minutes, ou peut-être pas. de toutes façons cela ne me dérange plus. j'ai l'habitude d'attendre.

j'attends tellement tout tout le temps. j'attends que les six heures quinze sonnent de mon réveil pour me lever, même si je suis déjà réveillée. j'attends un premier bus, j'attends d'arriver à mon arrêt, j'attends le tramway, mon arrêt, un deuxième bus, mon arrêt. j'attends mes amies devant le collège, j'attends la sonnerie, j'attends la fin du cours. les sonneries. les fins de cours. les bus. les fins de journées. les fins de semaine. beaucoup de bus. j'attends qu'on me regarde. j'attends que quelqu'un s'intéresse à moi. j'attends la fin de l'année. la fin de l'interro. la fin de l'heure de colle. un tramway. mon arrêt. le retour de son sourire. les étoiles filantes. mon frère. j'attends la fonte des neiges, la fin de l'orage, de retrouver la faculté à enfin pouvoir pleurer. de la croiser. qu'elle m'aime enfin. les exams et leur fin, les vacances et leur fin, les cours et leur fin. entre-temps j'attends des bus, des arrêts, des tramways et d'autres bus. j'attends un changement.

j'attendais ma vie alors que les autres courraient après la leur.

et maintenant. il est dix-sept heures trente-trois et je suis assise sur un siège du bus qui m'emmène au village voisin du mien, mes deux sacs aux pieds. j'ai listé énormément de choses que j'attendais, en me disant d'arrêter d'attendre la vie ou un signe de l'univers. parce que la vie est déjà devant moi. loin devant moi. et que je n'aurai jamais de signes de l'univers. que je suis la seule responsable de ça.

tout en sachant pertinemment que malgré les prises de conscience, je ne changerai pas. je continuerai à m'assoir sur les marches que d'autres ont gravi en attendant. un bus. un tramway. la vie. un arrêt.

parce que ma vie pour l'instant n'est qu'un arrêt. une transition. qui m'amènera peut-être quelque part. loin.

LES ÉTOILES ONT PLEURÉ Où les histoires vivent. Découvrez maintenant