→ 𝐃𝐫𝐚𝐦𝐢𝐨𝐧𝐞 𝟐 - Cʀɪsᴇ ᴅ'ᴀɴɢᴏɪssᴇ

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Et son visage bouffé par les cernes fit remonter en lui toutes les angoisses qu'il s'efforçait d'ignorer depuis deux ans. Tous ses foutus cauchemars. Toute cette putain de culpabilité. Des monstres, des démons, peu importe comment ça s'appelait, tout, tout lui a sauté à la gorge, au cœur, à l'âme, et puis il s'est rappelé. Et ça lui a fait mal.


C'était la première fois.

La première fois qu'il la revoyait depuis la fin de la Seconde Guerre des Sorciers.

Grâce à McGonagall et son influence auprès du Ministère de la Magie, sa peine de prison à Azkaban avait été écourtée. Après la mort du Seigneur des Ténèbres, Harry Potter avait fait campagne pour que les Mangemorts mineurs ne soient pas emprisonnés sur la base de leur affiliation au mage noir, mais pour lui, ç'avait été différent. Il était coupable de délit de fuite, et il avait payé pour les autres. Dix ans derrière les barreaux, avait annoncé le juge d'une voix chargée de colère en abattant son marteau sur la table devant lui.

Mais grâce à l'altruisme et la ténacité de la nouvelle directrice de Poudlard, il n'y était resté que trois mois. Que. C'était une bien piètre atténuation. Trois mois, dans une vie, ce n'était rien, et pourtant, Drago avait été marqué à vie. Le souffle glacial des Détraqueurs, les hurlements et rires vides et démentiels des prisonniers qui avaient été condamnés à recevoir leur baiser, la nourriture périmée qu'on leur servait aléatoirement, ce n'étaient pas des marques physiques, mais mentales. Gravées au fer rouge dans son esprit. Il doutait que le pouvoir de ses cauchemars s'atténue un jour.

Sa dernière année à Poudlard, il l'avait passé seul, sans jamais parler à personne. On lui avait assigné quatre gardes du corps, des colosses presque muets qui étaient autant censés le protéger contre les agressions des autres élèves que le surveiller étroitement à chaque seconde du jour et de la nuit. Mis à part certains professeurs qui le baratinaient de discours aussi bienveillants que creux, aucun élève n'avait jamais daigné lui adresser la parole pour autre chose que le couvrir d'injures.

Merlin sait combien de fois il avait cru qu'il ne verrait jamais le bout du tunnel.

Mais ce n'était pas une année qui changeait la haine et le deuil collectif de fond en comble.

Alors après avoir échoué à ses examens, le Ministère avait offert une résidence – un appartement désaffecté à la périphérie de Londres – au jeune Malefoy, lui offrant une nouvelle vie sous un nom d'emprunt. Ils avaient un problème de moins sur les bras. Au vu de son état lamentable – il était maigre, malade, pâle –, on ne l'avait pas jugé comme une menace, et il était logique de s'en débarrasser au plus vite. Au moins, parmi les Moldus, il passait inaperçu. C'était l'une des raisons pour lesquelles il apprenait petit à petit à moins les mépriser, les détester. Ils ne savaient rien de lui, ils n'avaient donc aucune raison de l'agresser. C'était triste de tenir quelqu'un en haute estime pour ça, mais Drago n'était pas, n'était plus, normal, quoi que ça pût vouloir dire. La colère que la communauté sorcière portait à son égard – à juste titre, pensait-il – était trop grande, trop dangereuse pour le laisser se balader sous leur nez. C'était comme mettre un rôti de bœuf sous le nez d'une personne qui n'avait pas mangé depuis un mois en lui demandant gentiment de ne pas y toucher. Stupide et inefficace. Oui, il était plus en sécurité chez les moldus.

Ça faisait un an qu'il vivait chez eux, maintenant. Et il en arrivait presque à s'y faire. Il s'entendait plutôt bien avec ses collègues, vendeurs dans une boutique de chaussures bas de gamme dans un quartier commercial. Ce soir-là, il avait terminé plus tôt. Il avait un mois de vacances pour l'été. Il avait reçu sa paye et décidé de faire un tour dans les magasins. Il allait s'acheter des toiles et de la peinture. Ça l'occuperait pendant un temps et l'empêcherait d'utiliser son temps libre à se replonger dans les souvenirs traumatiques de la Guerre.

𝐑𝐞𝐜𝐮𝐞𝐢𝐥 𝐝'𝐎𝐒 | Hᴀʀʀʏ PᴏᴛᴛᴇʀWhere stories live. Discover now