Souvenirs de Morgane

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_été 1841_

- Tu reviens avant que le soleil se couche ! Je compte sur toi. Et surtout, ne t'éloigne pas des sentiers ma chérie. C'est promis ? 

- Oui mère. 

- Très bien. Vas-y file.

Morgane ne se fit pas prier. Elle s'élança vers la forêt avec enthousiasme. Les promenades étaient ses moments préférés. L'enfant portait à son bras un petit panier en osier décoré de rubans colorés. Elle avait pour habitude de ramener toutes sortes de choses de ses balades. Des feuilles, des fleurs, des pommes de pins, de tout ! À la maison elle tenait un petit herbier avec sa sœur. Sa mère trouvait qu'il était magnifique. Les deux petites avaient passées des heures à garnir les pages avec soin et attention. 

Son père, un homme qui aimait les choses droites, était, lui aussi, fier de sa fille aînée. En effet, la petite était assez intelligente pour son âge et attirait les bonnes grâces de ses maîtres d'école. 

Cela faisait un moment qu'elle jouait dans les bois lorsqu'elle décida de rentrer. Le soleil allait bientôt se coucher. 

Sur le chemin du retour une odeur de brûlé lui piqua les narines. En se rapprochant elle observa des flammes gigantesques dépasser des arbres. 

Quand elle sortit de la forêt ce qu'elle vit la pétrifia. Sa maison était en feu. La petite fille appela ses parents. Personne ne répondit. Des cris horribles provenaient de l'immense bûcher. Morgane n'était pas stupide mais pendant un moment elle aurait préféré l'être. A cet instant elle avait compris que plus jamais elle ne reverrait sa famille. 

~

La jeune fille alors âgée de 10 ans fut, dans un premier temps, recueillie par les gens de son village. 

Quelques semaines plus tard, la famille Trelly qui entretenait de très bons liens avec ses défunts parents décida de s'en occuper. Elle devint, d'une certaine façon, leur deuxième enfant, après un garçon de deux ans son aîné. À deux ils étaient les meilleurs amis du monde. Ils faisaient tout ensemble. Théodore aimait lui raconter des histoires à dormir debout et Morgane adorait l'écouter. Cela dura ainsi des années.                              

~

_printemps 1847_

- Regarde, tu vois la trace ici.

- Non...

Morgane s'accroupît pour mieux voir. 

- Ici ? demanda-t-elle en pointant du doigt les empruntes animales dans la boue. 

- Oui.

La jeune fille plissa les yeux et demanda :

- Tu penses que c'est quel animal ?

-  Un sanglier.

- J'aime pas trop les sangliers. Ils sont dangereux, décréta Morgane.

- S'ils chargent c'est bien souvent parce qu'ils ont peur, précisa-t-il. 

- Mais imagine qu'il y ait un sanglier là, dans le buisson, et qu'il ait peur de nous. On fait quoi ? 

- C'est simple; tu saute dans mes bras, je fais mon devoir de chevalier servant et tu es priée de m'appeler Mon Sauveur jusqu'à la fin de ta vie. 

Elle rit. Il était bon diplomate. Morgane avait un pincement au cœur de savoir qu'il allait bientôt partir pour ses cours à l'université. Sa famille pouvait se le permettre car elle était assez aisée financièrement. Le revoir deviendrait alors un événement rare. Il était la personne qui comptait le plus pour elle et son départ serait une terrible épreuve. 

- Morgane, je suis désolé de partir. J'aurais tellement voulu que l'université soit plus proche. 

- Ce n'est pas grave, se résolut-elle, du moment que tu n'oublies pas de nous rendre visite. 

- Je n'y manquerait pas ! 

- Et tu n'oublieras pas de m'écrire ? 

- Bien sûr...

Il fut interrompu par un bruissement. Quelque chose approchait. C'était des hommes. Leurs silhouettes se dessinèrent à plusieurs mètres d'eux. 

- Morgane...

Théodore les regarda avec éffroi.

- Cours ! ordonnât-il.

Les deux jeunes gens se mirent à tracer vers leur maison. Derrière eux les bruits de pas étaient de plus en plus rapides.

- Arrêtez-vous sales gamins ! hurla l'un d'entre eux.

Bien sûr aucun des deux ne ralentit. Mais Morgane commençait à imaginer le pire. Sa robe ne lui permettait pas de courir aussi vite qu'elle l'aurait voulu. Une flèche siffla. Elle avait frôlé Théodore. 

- Non ! cria-t-elle.

Une nouvelle pointe mortelle avait volé immédiatement après. Mais cette fois elle ne rata pas sa cible. Le garçon s'écroula sur le sol. La jeune fille s'arrêtera pour l'aider. Elle l'appela mais il ne répondit pas. Il était mort. Ses yeux ouverts étaient voilés. Morgane était pétrifiée. Des larmes lui barraient les joues et ses mains tremblaient.

- Toi, la fille. Tu vas dire à tes parents pourquoi ton frère est mort, grogna l'homme.


Elle rentra chez elle. Sans émotion. 

Comme un automate, elle expliqua aux parents ce qu'il s'était passé. Elle ne parla plus à personne, même à l'enterrement du jeune homme elle resta muette. La culpabilité la rongeait. À ce moment là, une seule idée l'occupait. Et cette idée n'était pas très jolie. Les Trelly, malgré leur chagrin, ont essayés de lui dire que ce n'était pas de sa faute, mais c'était trop tard. Un mois après, elle disparaissait en ne laissant qu'une seule lettre derrière elle. 


Vengeances MacabresWhere stories live. Discover now