M. Viktor

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_octobre 1849_

- Veuillez m'excusez chers ami, cette demoiselle est déjà prise.

Morgane leva les yeux. C'était Viktor qui était venu à son secours.

- Oh, monsieur Bauvey ! Quel surprise. Je l'ignorais, vous m'en voyez désolé. Mais vous en conviendrez, cette jeune femme n'est pas très bavarde. 

- Vous avez raison monsieur. 

- Bon, je vais vous laisser puisque c'est ainsi ! 

Le vieil homme rit et s'en alla. Il y eut un silence gêné. Tous deux fuyant le regard de l'autre. 

- Merci, murmura-t-elle. 

Le jeune homme sourit. Ce fut discret et bref, mais elle était sure qu'il l'avait fait. 

- Que s'est-il passé ? demanda Hypolite en arrivant précipitamment.

- Monsieur Lancaster, répondit simplement son cousin.

- Encore ! Il ne vous a pas obligé d'accepter certaines choses ? 

- Non, répondit-elle.

- Votre bras, ordonna Viktor.

Morgane le lui tendit. 

- Vous êtes rouge, il vous a fait mal ? 

- Un peu mais ce n'est pas grave. 

- Je suis navré, commença Hypolite, j'aurais dû vous prévenir qu'il n'était pas commode. 

- Ce n'est pas de votre faute. 

La jeune fille nota que lui aussi s'était changé depuis leur court échange à la bibliothèque. 

- Viktor ? interpella ce dernier.

- Oui.

- On dirait bien que monsieur Lancaster vous a à l'œil. 

Ils se tournèrent doucement et observèrent le vieil homme sur la mezzanine de la salle. Et, en effet, il les regardait avec insistance. 

- Il semblerait, hésita Viktor, que la prochaine danse soit la nôtre.

- Effectivement. constata Morgane.

Elle s'empourpra. Tout ce qu'elle espérait c'était que ce ne soit pas une valse. Les gens trouvait cela un peu osé comme danse. Il suffisait d'être trop proche de son ou sa partenaire pour que l'on donne un caractère scandaleux à celle-ci. Il aurait été fort ennuyeux que cela lui porte préjudice par la suite. Monsieur Bauvey devait sûrement penser à la même chose. 

Morgane remarqua qu'Hypolite ne s'était plus exprimé depuis un moment. Serait-il jaloux ?

- Allons-y, décida Viktor. 

- Oui.

La musique venait de cesser lorsque les deux jeunes gens s'engagèrent sur la piste. Ils allaient danser une quadrille. Morgane était rassurée car cela ne demandait pas trop de technique. Tous les duos se regroupèrent afin de former des quatuors. 

- Ce sont eux qui commencent, informa Viktor. 

L'orchestre commença à jouer. La jeune fille et son partenaire d'infortune n'avaient qu'à répéter les mouvements que faisaient le duo puis d'attendre le suivant. Tout s'enchaînait avec justesse. Les robes tournaient et virevoltaient dans tous les sens  en quasi parfaite synchronisation. 

- Vous ne parlez pas beaucoup, remarqua Morgane.

- Vous non plus. 

Elle se tut.  Il avait raison. La jeune femme se concentra sur ses déplacements et réfléchissait déjà à la suite des événements. 

La danse se termina et tous les danseurs remercièrent leur partenaire pour l'honneur qu'elle leur avait fait. Morgane avait lu que cela faisait partie des règles de bienséance. Viktor les imita avec une certaine retenue auquel la jeune femme commençait à s'habituer. Ils se quittèrent tout les deux satisfaits et elle rejoignit Clotilde.

- Tu en a mis du temps pour te désaltérer ! plaisanta cette dernière.

- Il faut dire que ce ne fut pas de tout repos.

- J'ai vu ça. 

- Ne me regarde pas comme cela ! Ce n'était qu'une malheureuse danse, et encore, je n'ai même pas été invitée comme il se doit. 

- Ne dit pas des bêtises. Je sens ces choses là. Et je crois même pouvoir affirmer qu'Hypolite Bauvey éprouve les mêmes sentiments que son cousin à ton égard !

Morgan rit, amusée à cet idée invraisemblable. 

- Pour parler d'autre chose, poursuivit-elle, je crois que le jeune homme au bout de la pièce pourrait m'intéresser. 

Clotilde arbora un sourire innocent en fixant ce garçon.   

- Un roux ? s'étonnât Morgane.

- Il se pourrait bien que oui. Et puis tu sais, j'aime ce qui est exotique...

Elles pouffèrent ensemble. Cela devait faire deux ans que la jeune femme n'avait plus eu d'amie. Peut-être que les choses allaient commencer à changer. Ses pensées la ramenèrent, comme souvent, au passé. Et le passé lui rappela les raisons de sa présence ici. 

- Tu devrais aller lui parler. 

- Tu es sérieuse ? Il va se moquer de moi, prédit Clotilde.

- Bien sûr que non ! Si il est aussi gentil qu'il le paraît, ce dont je suis quasi certaine, il va t'adorer ! 

- Tu en sûr ? 

- Absolument. 

Elle se leva hésitante. Son regard alla du jeune homme à sa nouvelle amie. Morgane lui sourit et hocha la tête. Après une longue inspiration Clotilde s'éloigna, déterminée. C'est l'occasion dont profita la jeune femme pour disparaître. Elle se glissa dans le hall éclairé par de nombreuses bougies. Puis, quatre à quatre, elle monta les marches de l'escalier pour pénétrer à l'étage supérieur. Morgane fit le même parcours que tout à l'heure, elle s'était appliquée à le mémoriser. C'était là. La jeune femme ouvrit la porte en prenant bien soin de ne pas être aperçue. 

- Alors on à bien dormi ? 

Vengeances MacabresWhere stories live. Discover now