Une Vraie Histoire d'Amour?

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_octobre 1849_

Un murmure. C'est tout ce que Morgane parvenait à entendre. Petit à petit, ce murmure évolua en dispute.

Oui, deux hommes se disputaient. Mais elle ne parvenait pas à saisir le sujet de la querelle. 

Puis, la jeune femme ouvrit les yeux. C'était encore flou, mais elle vit Viktor quitter sa chambre en claquant la porte et Hypolite, debout, fixant le lieu où se tenait son cousin quelques secondes auparavant. 

Morgane ne prononça pas un mot et cligna plusieurs fois des yeux avant que sa vue ne se précise.

Les chandeliers de sa chambre étaient allumés et une chaise était rapprochée de son lit. 

On entendait également la tempête qui grondait dehors.

Les souvenirs de la jeune femme restaient vagues. Elle ignorait les raisons de son état. Peut-être avaient-ils été surpris par le temps. 

- Morgane ? Vous êtes réveillée ?

L'intéressée répondit par un faible sourire. 

- Oh! C'est merveilleux! 

Il accourut à son chevet et la prit dans ses bras. 

- J'ai cru, murmura-t-il, que la fièvre vous gagnait.

- Je suis juste un peu sonnée. Mais je doute souffrir de quelque mal que ce soit, Hypolite. 

Ce dernier desserra son étreinte et s'assura que la jeune femme était bien installée. 

- Je présume, commença-t-elle alors qu'il prenait place sur la chaise, que nous avons été pris au dépourvu par l'orage.

Le jeune homme posa sur elle un regard déconcerté.

- N'est-ce pas ? insista-t-elle, inquiète par sa réaction. 

- Vous ne vous en rappelez vraiment pas ? 

- Non, concéda-t-elle.

Il prit une grande inspiration. Morgane n'avait pas manqué l'expression étrange qui l'habitait. 

- Nous nous promenions lorsque nous avons été pris en chasse par un individu dont j'ignore encore l'identité. 

« Après avoir traversé une rivière, nous avons un gagné un petit sentier. C'est là que cela a commencé. Vous avez vu quelque chose, je crois. J'ai tenté de vous rassurer. »

Il marqua une pause. La jeune femme commençait à se remémorer certaines choses.

- Ne croyez pas que je vous en tienne rigueur. Mais, vous avez pris peur à mon approche.

« Vous êtes partie précipitamment, en direction du pont. Je le regrette, mais j'avoue ne pas vous avoir immédiatement porté secours. En réalité, je pensais vous avoir porté préjudice de façon involontaire, et craignais de vous effrayer davantage en vous coursant. Alors je vous ai laissé partir. Mais, quelques minutes plus tard, je vous ai entendu appelé à l'aide. Je me suis donc précipité dans votre direction. »

Hypolite laissa cette phrase en suspens. Il ne cessait de regarder droit devant lui, fixant un point imaginaire. 

- Encore une fois, poursuivit-il, je ne vous en veux pas. Ce n'est pas de la faute de Viktor non plus, vous devez le comprendre. 

« Toutefois, lorsque je me suis avancé, vous avez prononcé ce nom. Théodore. Vous avez dû vous méprendre. Cependant, ce que vous avez dit après était inaudible et vous avez, presqu'immédiatement, perdu connaissance. »

- Veuillez pardonner ma terrible erreur. Je n'avais pas toute ma tête. 

- Soyez honnête, Morgane. Est-ce uniquement parce que je ressemble à Théodore que vous m'avez choisi au détriment de Viktor ? 

- Je ne comprends pas. 

- Viktor m'a montré sa photo. C'est lui, n'est-ce pas ? 

La jeune femme réalisa que ce qu'il fixait depuis tout à l'heure n'était autre que le portrait de famille des Trelly. 

- Oui, avoua-t-elle. 

- Il me ressemble très fort. Enfin, je lui ressemble, c'est cela? 

« Viktor à la fâcheuse habitude de dénoncer chez les autres les vices qu'il a lui-même. La ressemblance n'est peut-être pas aussi frappante qu'entre moi et ce garçon, mais il retrouve, dans vos traits, la femme qu'il a jadis aimée. Hors je ne veux pas être cela. Je ne veux pas être l'image d'un frère qui n'a jamais pu être un amant. Je ne veux pas être la simple réalisation d'un regret. Je veux vivre une vraie histoire d'amour. Je veux être aimé pour ce que je suis. Hypolite, et non Théodore. Vous comprenez ? Je ne serais jamais lui. Dites-moi au moins que vous m'avez aimé pour autre chose que cela. Dites-moi que vous avez apprécié ma personnalité. »

Morgane était bouleversée.

- Je suis désolée, parvena-t-elle à peine à murmurer.

Le jeune homme sembla profondément attristé. Il pris sa main dans les siennes.

- Je vous aimes toujours, dame Morgane. Il faudrait être fou pour ne pas vous aimer. Mais je suis déçu. Et je m'en veux de l'être. Maintenant, veuillez m'excuser, mais je dois aller me réconcilier avec Viktor. 

Il se leva.

- J'enverrais Ismérie pour veiller sur vous. À ce soir, peut-être.

Puis il partit. 

Morgane était effondrée sur son lit. Elle ne parvenait pas à arrêter ses pleurs. Cela ne pouvait pas lui arriver. Ils ne pouvaient pas la laisser tomber. Qu'avait-elle fait?

La jeune femme enfonça sa tête dans son oreiller et poussa un cri étouffé. Pourquoi le monde s'acharnait sur elle? 

Personne avait jamais su si elle avait été consciente de voir en Hypolite les traits de son amour perdu, ou si sa démence l'avait fait à sa place. Jamais la jeune femme n'y avait refais allusion. 

Elle pleura une heure durant et peina à se contenir lorsque Ismérie vint à son chevet. 

Une chose était sûre, son désir de vengeance en avait été décuplé.


Vengeances MacabresWhere stories live. Discover now