Apparences trompeuses

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_octobre 1849_

- Alors on a bien dormi ? 

Morgane rit en disant ces mots.

- Je ne comprends pas...

- Évidemment. 

L'homme, les mains liées dans son dos, s'agita. 

- Cela ne sert strictement à rien, monsieur Pâris.

- Expliquez-moi, dites-moi ce que j'ai fait, supplia-t-il. 

Elle rit de nouveau.

- Vous êtes malin. Vous savez déjà que ce sont vos actes qui vous condamnes. 

Desaigu ouvrit les tiroirs de la commode.

-Mais puisque  que vous insistez, je vais éclairer votre lanterne.

 Elle alluma deux chandelles afin d'éclairer la pièce, résolument mal éclairée. La jeune femme prit ensuite place sur une chaise. 

- Je vais vous raconter une histoire monsieur. Et vous verrez, celle-ci compte beaucoup pour moi, même si elle n'est pas heureuse. 

Morgane se lança ensuite dans le récit de sa vie. Elle lui raconta les grandes scènes avec autant de détails que possibles. De sa bouche sortaient des émotions vives, des lieus hauts en couleur et les fantômes d'un passé douloureux. Mais l'histoire les a tous rendu tristes et gris, sans nuances. Quand elle eut terminé de compter sa vie, Pâris avait comme un goût de trop peu sur la langue. C'était encore un enfant dans sa tête, et pourtant il n'était plus innocent. Pas après ce qu'il avait fait. Cependant, la fin du récit lui avait semblé plus affreuse que tout. Elle ne devait pas faire cela. Elle se trompait, pensait-il. 

- Alors, vous comprenez maintenant ? 

La jeune femme avait perdu sa colère. Il ne lui restait maintenant que ce qu'elle avait toujours eu ; une énorme tristesse. L'homme ne répondit pas. 

- Voyez-vous, les apparences sont trompeuse, monsieur Graham. Sous mes airs de petite fille, perdue et timide, se cache une grande haine. J'ai longtemps essayé de la contenir mais c'est trop tard. Mon désir de vengeance à prit le dessus. Vous aussi, vous êtes un imposteur, ne croyez pas le contraire. Est-ce votre culpabilité qui vous pousse à être le marginal de votre famille ? Vous défendez les femmes, les pauvres et les étrangers, quel preu chevalier vous faites Pâris. Pourtant il vous manque une princesse. Cela est sûrement le fruit de vos péchés, ainsi sont punis les assassins. Car si je vous ai connu directement, tel que vous étiez, le jour de l'assassinat de mon frère, vos proches ignorent cette partie de vous, un peu trop sombre. Apparences trompeuses. C'est ce dont nous sommes victimes. 

Elle fit une pause. 

- Je ne voulais pas faire cela, dit-il.

- Tout le monde à le choix. Vous avez fait le votre. C'est peut-être votre frère qui a porté le coup fatal. Mais vous restez son complice. 

- Qu'avez-vous fait à Auguste ? 

Morgane ne prit pas la peine de  répondre. 

- Vous l'avez tué. C'est cela ? 

Elle se leva de la chaise.

- Vous n'aviez pas le droit, insista Graham.

- Parce que vous croyez que vous aviez été juste avec ma famille ? Vos actes étaient justifiés peut-être, s'emporta-t-elle. 

Alors que régnait un silence pesant, Desaigu s'accroupît à la hauteur de sa victime. 

- Pourquoi faites-vous cela ? demanda ce dernier.

- Parce qu'ils me hantent. Quoique je fasse ils seront toujours là.

La jeune femme sortit une boîte en fer blanc et une petite bouteille en verre de sous sa robe. Son secret; une poche cousue à l'envers du tissu. L'homme tenta de défaire ses liens. 

- Cessez cela immédiatement, je vous ai déjà dit que c'était inutile de vous débattre. 

- S'il-vous-plaît.

Morgane l'ignora. Elle ouvrit le contenant en métal et en sortit une cuillère. 

- Que faites-vous ?

- Je vous prépare une boisson. Délicate attention, n'est-ce pas ?

À l'aide de celle-ci, elle racla le fond de la boîte et déversa la matière poudreuse dans la bouteille, déjà préalablement remplie d'eau. Pâris vit le liquide prendre une couleur verdâtre. A son plus grand regret. 

- Ne faites pas cela, implora-t-il.

La jeune femme porta la boisson mortelle aux lèvres du jeune homme. 

- Attendez ! On était cinq ce jour là. 

Cette fois, Morgane l'écouta. Elle reposa la bouteille en verre sur le sol. 

 - Dites-moi le nom de l'un d'entre eux. 

Desaigu se saisit de la cuillère. Elle la remit dans son contenant en métal et dissimula le tout sous son jupon. Ne restait que le liquide. 

- Lancaster. 

- Merci. Vous avez fait le bon choix Pâris. 

Elle se leva et se dirigea vers la porte. Monsieur Graham cacha sa déception. Il avait eut l'utopique espoir qu'elle le libère. Mais c'était vain. Cette illusion lui avait fait aussi mal qu'elle l'avait portée. Et cela en l'espace de quelques secondes. 

- Je reviendrait.

Elle le quitta sur cette unique promesse. 


Vengeances MacabresWhere stories live. Discover now