Complices dans l'Ombre

45 4 0
                                    

_octobre 1849_

Ses yeux devinrent flous. Puis ce fut le noir. 

- Morgane ? 

Elle se réveilla secouée. Viktor était penché sur elle et affichait une mine inquiète. La jeune femme se retourna sur le côté et se mit à tousser avec douleur. Sa gorge lui brûlait. Elle avait l'impression de cracher ses poumons. Il ne dit rien et se contenta déplacer quelque chose à côté d'elle. Quand sa vue se précisa, elle comprit que la masse sombre qui était transportée par le jeune homme n'était autre que le corps inerte de Lancaster. L'homme d'une soixantaine d'années affichait une expression d'effroi. De sa bouche bée, s'écoulait du sang encore chaud. Il était mort, cela ne faisait aucun doute, mais il avait l'air si vivant. Elle détourna le regard. Des bruits de pas précipités se firent entendre. Morgane n'avait pas encore repris pleine possession de ses moyens, si bien qu'elle ne su déceler d'où provenait ces derniers. Peut-être de droite. Tout bien réfléchi, peu importait. Pour l'heure, elle était dans l'incapacité de repérer sa droite et sa gauche. 

- Je vous ai apporté de quoi vous désaltérer. 

C'était Hypolite. La jeune femme lança un regard interrogateur à son cousin. Il se contenta d'hausser les épaules, indifférent. Son inquiétude à l'égard de la demoiselle s'était visiblement dissipé assez rapidement. Ce fut le nouvel arrivant qui lui apporta une réponse;

- J'étais avec Viktor lorsqu'on vous a trouvée. Le temps que vous repreniez vos esprits, je suis partit vous chercher une boisson. 

Desaigu nota l'omission volontaire de leur intervention. Elle décida de les imiter, leurs intentions respectives n'étant pas explicites. Avaient-ils, eux aussi, un intérêt à faire disparaître Lancaster ? Une autre fille se serait extasiée, pensant que ce geste était une preuve d'amour, mais pas elle. Personne ne tuait sans motif. D'autant plus que celui qu'ils avaient l'air de laisser planer était peu probable. Elle en était certaine, il y avait une raison à ce silence.

- Qui s'en charge, murmura-t-elle avec difficulté. 

Sa voix aussi avait assez mal vécu cette agression. Desaigu porta une main à son cou. Et la retira tout aussitôt. Hypolite souleva son dos pour la mettre dans une position semi-assise, plus confortable. 

- Je m'en occupe, dit Viktor. 

Maintenant qu'elle avait son dos contre le mur, elle pouvait comprendre plus facilement la scène qui l'entourait. Le jeune homme qui venait de s'exprimer était accroupi près du cadavre et lui faisait les poches. Son cousin lui tendit un verre d'eau. 

- Merci, chuchota-t-elle en le prenant.

La jeune femme constata, non sans une pointe de déception, que le couloir était toujours aussi mal éclairé. En effet, elle ne parvenait pas à détailler son environnement. Le corridor sombre, oui. Mais où exactement ? 

- Je vais vous ramener dans votre suite, déclara Hypolite.

- Oui, c'est une bonne idée, confirma l'autre. 

Morgane n'avait visiblement pas son mot à dire. De toute façon, ce n'était pas plus mal, vu l'état dans lequel elle était. Le jeune homme glissa son bras sous ses épaules et mis le bras de Desaigu autour autour de son cou. Elle se laissa faire. Il se donna une légère impulsion et la souleva avec lui. Avant qu'ils ne s'aventurent d'avantage elle souffla :

- Merci beaucoup. Pour tout. 

La jeune femme ferma les yeux. Elle tenait à le remercier pour son geste de tout à l'heure, lorsqu'ils n'étaient que tout les deux et qu'il l'avait enlacée pour la calmer. Mais personne ne devait le savoir. Viktor ne répondit rien, elle devina seulement un léger hochement de tête. Ce remerciement était également adressé au brave garçon qui la soutenait en cet instant. Il était d'une telle gentillesse. Elle l'aimait beaucoup.

- De rien, répondit ce dernier, toujours à votre service dame Morgane.

Elle ne put contenir son sourire. Ils étaient les seuls à l'appeler ainsi, et cela l'amusait. Lorsqu'ils se mirent à avancer, elle jeta un dernier regard en direction du mystérieux jeune homme. Il ouvrait une porte du couloir et entrainait les restes de la victime à l'intérieur. Trois questions se présentèrent à elle. Comment cela se faisait-il qu'il avait connaissance de cette pièce ? Qu'alllait-il faire de ce défunt monsieur Lancaster ? Et, la plus importante; que cherchait-il dans ses affaires ?

Ils progressaient depuis un moment lorsqu'elle remarqua qu'ils ne se dirigeaient pas vers la salle de bal. 

- Où allons-nous ?

- A votre chambre.

- Ne sommes-nous pas censés repasser par la salle de festivités pour atteindre le hall, grimper aux escaliers et puis...

- Ceci est un raccourci, confia-t-il.

Desaigu inspira profondément. Elle avait toujours mis un point d'honneur à ne pas se laisser entrainer par des inconnus dans des lieux qu'elle n'avait jamais exploré auparavant. Une boule se forma dans sa gorge. Tout allait bien se passer, il allait la ramener en lieu sûr. 

- Vous souhaitez que je prévienne quelqu'un ?

Morgane hésita.

- Oui, mon amie Clotilde. Dites-lui simplement que j'ai fait un malaise et qu'il n'y a pas de quoi s'inquiéter. Je ne voudrais pas la déranger pour cela. C'est juste que je crains qu'elle attende après moi. 

- Très bien. 

La jeune femme souffla. Il n'y avait vraiment pas de quoi s'inquiéter, ce garçon était rempli de bonnes intention. Ils s'arrêtèrent, le temps que le jeune homme ouvre une porte qui donnait sur des escaliers. Elle se fit la réflexion qu'elle avait maintenant un quatrième questionnement; comment connaissait-il ce raccourci ?

Alors qu'ils gravissaient la dernière marche avec peine, elle demanda :

- Vous logez ici ?

Vengeances MacabresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant