Chute mortelle

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_octobre 1849_

Morgane ferma la porte de sa chambre et essuya ses larmes. À Kliffay tout acte de faiblesse pouvait se retourner contre vous. Les murs avaient des oreilles mais ils avaient aussi des yeux. Et ceux-là n'étaient pas innocents, ils étaient perfides et saisissaient la première occasion pour vous  piéger dans le seul but d'amuser leur plaisir cruel.

Morgane descendit le grand escalier et constata que les invités commençaient à arriver. Elle se déboîta sur la gauche et approcha le bureau de monsieur Graham. Hélas il n'était plus là. Peut-être auprès des invités ? Auguste n'y était pas non plus. La  jeune femme commençait à désespérer lorsqu'elle eut une idée. 

- Rodolphe ? appela-t-elle.

- Oui mademoiselle. 

Le majordome qui patientait dans un coin du hall s'avança.

- Je ne me sens pas très bien, il fait étouffant ici ! Pourrais-je aller au jardin ? 

- Bien sûr mademoiselle. Si vous voulez bien me suivre. 

Ils esquivèrent les invités pour longer un couloir et pénétrer dans une salle qu'elle n'avait, jusqu'alors, jamais vue. C'était beau un salon gothique dans les tons sombres au fond du quel se tenait un grand piano. Ce dernier trônait fièrement sous une magnifique verrière. La pièce était décorée de plantes exotiques et des ouvrages s'accumulaient au pied des sofas. L'ambiance était froide et glauque mais l'on pouvait deviner, sans trop de peine, la chaleur qui pouvait y régner une fois la pièce animée de discussions étonnantes et d'invités un peu trop éméchés. 

- Par ici. indiqua Rodolphe.

Il pénétra sous la véranda et ouvrit la porte, visiblement déjà ouverte. Morgane passa le seuil et frissonna au contact de l'air glacial. Le majordome disparu dans la pénombre et elle se mit à avancer. Il était là, debout, au bord de la falaise, à contempler le coucher du soleil. Elle ralentit. Le vent salé qui balayait ses cheveux dans toutes les directions couvrait le bruit de ses pas. Vengeance. C'était ce qu'elle désirait le plus et ce qu'elle allait obtenir. 

- Bonsoir, dit-elle en enfonçant sa lame aiguisée dans le dos de l'homme.

La respiration de ce dernier accéléra.

- Il me semblait bien que je vous avait déjà vu, commença-t-il en s'efforçant de garder une voix neutre. Je me rappelle de vous maintenant.

- Vous vous rappelez de moi ?

- Nous pourrions en discuter plus calmement, à l'intérieur. 

- Vous êtes un monstre.

Monsieur Graham ne répondit pas. 

- Pourquoi avez vous fait ça ?

Ses yeux s'embuèrent. L'homme en face d'elle ne ressentait aucun regret, c'était flagrant. Il ne lui aura pas laissé le choix. Morgane pressa un peu plus son couteau.

- Ils savaient les risques ! lacha-t-il.

La jeune fille s'arrêta.

- Ca n'a rien avoir. Vous demandiez des impôts beaucoup trop élevés. D'autant plus que vous saviez très bien que les récoltes avaient été mauvaises ce mois  là. Ma famille n'aurait jamais su payer. Je vous repose la question monsieur Auguste, pourquoi avez-vous fait ça ?

- Il fallait un exemple. Les gens commençaient à ne plus payer leurs impôts, cela devait cesser !

- Et vous avez décidé de brûler vif ma famille qui vous avait toujours été favorable et qui vous donnait toujours à temps les sommes demandées. 

- C'était notre devoir.

- Et pour Théodore Trelly. Je suppose que vous allez me répéter les mêmes sornettes. 

- Mais c'est pourtant la vérité ! Ce n'est pas de ma faute si c'est sa famille qui vous a recueillie.

- J'avoue que c'est un manque de chance pour moi de subir deux drames d'affilés perpétrés par les mêmes assassins. Mais il n'empêche que ce jeune homme était innocent !

- C'est de la faute de ses parents, pas la mienne. 

- Ce sont eux qui l'ont tué peut-être ?

L'homme ne se justifia pas. A ce moment il compris que la vie ne lui donnerais pas de seconde chance. Il mourra quoiqu'il advienne. Monsieur Auguste ferma les yeux et sauta de la falaise. La jeune fille vis son corps se fracasser contre les rochers avant de disparaître dans l'eau salée.

Elle cacha son arme sous son jupon et se dirigea lentement vers le manoir. Elle monta sur la terrasse envahie par les feuilles brunes et tira la porte de la verrière. Une ombre bougea. Morgane sursauta soudain prise de panique.

- Ne vous inquiétez pas madame, ce n'est que moi !  

- Oh, Ismérie. Vous m'avez fait peur ! 

La jeune domestique allumait des bougies dans le salon. 

- Vous n'auriez pas vu monsieur Auguste  ? Je voudrais lui demander si son père est rentré. 

- Non madame, mais je peux vous dire que monsieur Graham n'est pas encore arrivé. Ses enfants sont un peux inquiets d'ailleurs. 

- Merci Ismérie. Vous m'êtes d'une grande aide !

Vengeances MacabresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant