Histoires d'un Passé

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_octobre 1849_

- Non, pas du tout. 

Morgane lui signala alors qu'elle resterait. 

- D'où êtes-vous originaire ? demanda-t-il. 

- D'ici. J'ai habité, lors de mes plus jeunes années, derrière les bois que vous pouvez observer de votre fenêtre, monsieur. Mais la conspiration de votre famille envers la mienne à fait que désormais, Kliffay s'étend jusqu'aux prairies, là-bas. 

La jeune femme aida Pâris à se relever et l'installa sur la chaise en bois, qu'elle avait placée devant la fenêtre. La pleine lune de cette nuit là permettait de reconnaître aisément le paysage. Le jeune homme questionna la nature de cette conspiration. 

- Vous ne vous en rappelez peut-être pas, mais, ma famille y vivait bel et bien. J'aimais les balades dans les prés et les escapades dans la forêt. Notre beau domaine, quoique modeste comparé au vôtre, était un havre de joie. Mais ces terres vous appartiennent, comme toutes celles de la région, et le loyer que vous nous imposiez croissait d'année en année. Sans raison apparente. Mes parents comprirent que vous souhaitiez vous enrichir de façon délibérée. Ils en étaient révoltés, mais que pouvaient-ils faire ? La somme demandée était si élevée, que ces derniers demandèrent de reporter le paiement. Nous sommes restés sans réponse pendant plusieurs jours. Et, alors que je revenais d'une promenade, je trouvât notre demeure en feu. Ma famille n'eut pas la chance d'y survivre, ils décédèrent, piégés à l'intérieur. L'enquête a prouvé que c'était un incendie d'origine criminelle, avant que les inspecteurs n'abandonnent leurs recherches de façon inopinée. Votre famille, je n'en doute pas, ayant  versé quelque sous. Voici la conspiration dont j'estime avoir été victime en tant que dernière descendante des Desaigu. Ma sœur, Louise, a malheureusement péri, avec eux, dans les flammes.

- Je suis désolé. 

Morgane lui offrit un triste sourire.

- J'ai ensuite été recueillie par les Trelly. Une famille des plus attentionnées. Hélas, la suite vous la connaissez déjà.

Perdue dans ses pensées, elle demanda;

- Permettez-moi une impolitesse, il  me semble qu'il y a un grand écart d'âge entre vous et vos frères et sœur.

- En effet, cela s'explique par le fait que nous n'avons pas la même mère. Madame Dumont, la première femme de mon père et la mère de mes frères et de ma sœur, est décédée en mettant au monde Joséphine. Mon père s'est donc remarié avec madame De Liage, ma mère. C'est peut-être pour cela que je suis le marginal de cette famille. 

- Excusez-moi, mais je ne saurais vous donner un âge précis, pourriez-vous m'éclairer, si cela ne vous gêne pas. 

- Cela ne me dérange pas, au contraire, j'ai 19 ans. Pourrais-je vous retourner la question ?

- Nous n'avons qu'un an d'écart, j'ai 18 ans. 

Le jeune homme baissa la tête et rougi, visiblement gêné d'une pensée qu'il eut. Desaigu fit mine de ne rien remarquer. 

-   Pâris ?

- Oui.

- Pourquoi avez-vous décidé d'être complice du meurtre de Théodore ?  

- Cela remonte à 3 ans. Une de nos domestiques, en charge de la cuisine, avait quitté son rôle, trop épuisant pour son grand âge. Celle qui la secondait la remplaça dans ses fonctions et mon père engageât une nouvelle pour seconder celle-ci. C'était une jeune fille, aux traits fins et harmonieux. Elle travaillait dur et ne fut jamais source d'ennuis. Mon problème était le suivant, je ne pouvais m'arrêter de penser à elle. Un jour, alors qu'elle faisait une course à Grunestal, je la suivi et l'aborda sur le chemin. Suzanne, car c'est ainsi qu'elle se prénommait, était ravie de me rencontrer. Nous avons alors entamé une petite promenade, le long des falaises, au cour de laquelle nous avons beaucoup échangé. Je la raccompagnait au village, avant de rentrer pour vaquer à mes occupations. Évidemment, je n'en parla à personne. Je réitérait la semaine suivante, mais cette fois, ce ne fut pas sans conséquence. Mon père nous avait surpris en rentrant du notaire. Le soir même, il me convoqua dans son bureau. Abattu, je lui avouait tout, mais le suppliait de me croire que Suzanne ne méritait aucun reproche. Il m'incita simplement à ne pas renouveler mon erreur, sous peine de quoi elle en subirait les conséquences et qu'il n'hésiterait pas à me renier. Ce soir là, j'eu du mal à m'endormir. Le lendemain matin, on me rapporta qu'on l'avait aperçue les yeux rouges. Je culpabilisais énormément et, par l'intermédiaire du garçon de chambre que j'avais soudoyé, lui fit parvenir un mot. Dans ce dernier, je lui exprimais mes plus plates excuses et lui détaillait ma mésaventure de la veille. 

Il marqua une pause.

- Je l'aimais tellement vous savez.

- Je comprends. Poursuivez, monsieur Graham.

- J'organisa une nouvelle rencontre, quelques mois plus tard, entre elle et moi, en faisant preuve de plus d'ingéniosité cette fois-ci. Mais notre prudence ne fut pas suffisante. J'appris, par la suite, que mon père avait donné pour consigne à tous les domestiques de nous surveiller. Le lendemain, j'étais alors à nouveau convoqué dans son bureau. Mon père se mit dans une colère noire, m'expliquant que j'étais fou pour fréquenter une femme inférieure et noire, de surcroît. Il me garantit qu'elle serait virée sur-le-champ. Quant à mon cas, il hésitait. Une idée lui vint alors. En effet, il avait des problèmes avec les Trelly et avait déjà trouver une solution parfaite, ne restait plus qu'a mettre à exécution son terrible plan. Tuer ce jeune garçon, j'en aurait été parfaitement incapable. Mais mon père insista, me faisant chanter sur la vie de cette douce Suzanne. Je n'eut d'autres choix que d'accepter. Une décision que je regretterai toute ma vie. Même si ce n'est pas moi qui ait tiré la flèche qui lui a ôté la vie.

-  Vous avez un bon fond, ce qui fait que je vous apprécie. Profitez-en. Je vais prendre congé. Demain, je vous demanderai quelles étaient ces deux personnes qui vous accompagnaient le jour où vous avez tué mon frère.

- Au revoir, mademoiselle.

- Au revoir, merci pour votre récit.

En revenant, Morgane s'effondra sur son lit. Elle était terriblement fatiguée et ne se doutait pas que, le lendemain, d'autres révélations viendraient la troubler.  



Vengeances MacabresWhere stories live. Discover now