Mlle Clotilde

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_octobre 1849_

Son reflet dans le miroir ne lui plaisait pas. Elle chipota dans ses cheveux mais rien n'y faisait. À la vérité, ce n'était pas tant son apparence qui la contrariait. C'était monsieur Auguste, ou plutôt la façon dont il mourut. Morgane eut espéré qu'il soit pris de remords ou qu'il demande pardon pour tout le tort qu'il avait causé. Mais il ne s'était pas remis en question et avait sauté. Elle ne l'avait même pas poussé ! 

- Tu l'as fait ? 

Elle arrêta le cours de ses pensées. Sa petite sœur était de nouveau là, sur son lit.

- Oui.

Morgane sortit sa montre à gousset et vit l'heure. 

- Il est temps que je...

Elle s'interrompît. La fillette avait disparu. 

Lorsque la jeune femme arriva dans le hall de nombreux invités patientaient pour pouvoir rentrer dans la pièce qui faisait face à la bibliothèque. On pouvait entendre le bruit des carrosses qui arrivaient les uns après les autres. C'était un bal avant le bal. Certains convives se faisaient discrets alors que d'autres se donnaient en spectacle. Tout le monde était sous la charme. La magie de Kliffay opérait.  

Morgane se glissa dans la file d'invités et tendit l'oreille. 

- Il paraît que madame De Liage, la seconde épouse de monsieur Graham, le trompe avec son fils, Pâris. colporta une femme d'une trentaine d'années deux fois trop maquillée.

- Moi j'ai entendu dire que Joséphine avait un prétendant. Peut-être le verra-t-on ce soir. dit une autre.

Les rumeurs allaient bon train visiblement. Il faut dire que dans cette branche oisive de la population les potins était une occupation vitale pour ne pas mourir d'ennuis. 

Cela faisait un quart d'heure qu'elle attendait lorsque vint son tour. La jeune femme donna son nom au majordome et ce dernier l'annonça aux convives rassemblé dans un salon immense. Les membres de la famille Graham hésitèrent un instant à l'accueillir.

- Bonjour madame Desaigu, dit un homme un peu rondelet nommé Charles.

- Bonjour monsieur, répondit l'intéressée  d'un signe de tête poli. 

- Vous n'avez pas d'invitation ? 

- Oh. Bonjour madame Graham. Hélas non. C'est votre frère, Auguste qui m'a invitée.

- Oui c'est exact. Je m'en souviens. Auguste me l'avait dit. Je suis navré mais notre père n'est toujours pas revenu. informa Charles.

- Ne vous excusez pas, ce n'est pas de votre faute après tout. Mais je ne voudrais pas abuser de votre hospitalité. 

- Ce n'est pas le cas, intervint le cadet des frères Graham. Tant que père ne sera pas rentré vous serez la bienvenue à Kliffay ! 

- Je vous remercie beaucoup monsieur.

- Parîs Graham, fit-il en se courbant. 

Morgane lui rendit sa révérence et se fondit dans la masse d'invités. Les gens ne semblaient pas remarquer l'absence de monsieur Auguste. Elle s'y attendait. On la bouscula. C'était un groupe de jeunes femmes qui portaient beaucoup trop de bijoux à son goût. Elles gloussaient comme des poulettes en suivant un bel homme aux allures de prince. Morgane ne put s'empêcher de soupirer. Son regard fut alors attiré vers un coin de la pièce où discutaient Hypolite et le fameux Viktor. Ils avaient l'air de parler de choses sérieuses. Elle détourna rapidement la tête. Ses yeux avaient rencontrés ceux du mystérieux jeune homme. Seul un observateur aiguisé aurait pu apercevoir le petit sourire qui avait illuminé, l'espace d'un instant, le visage de la jeune femme. 

Vengeances MacabresOù les histoires vivent. Découvrez maintenant