Secrets et petits biscuits

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_octobre 1849_

- Vous logez ici ?

L'espace d'un instant, elle cru qu'il ne répondrait jamais. 

- Pas exactement, nous vivons ici temporairement. Mais nous rentrerons chez nous bientôt. 

Morgane ne commenta pas. Elle estimait que cette information lui convenait pour le moment, même si celle-ci n'était pas tout à fait vraie. Il reçu en réponse un bref acquiescement. Alors qu'ils continuaient d'avancer, le jeune homme semblait ennuyé. 

- Oh oui, c'est vrai ! s'exclama-t-elle soudain, je ne vous ai pas précisé où se situait ma chambre. Vous m'en voyez navrée. C'est celle-là. 

La jeune femme pointa une porte au loin. 

- Très bien, merci. 

Il l'a raccompagna jusqu'à sa suite et l'aida à s'allonger sur le lit. 

- Je dépose vos clés ici, dit-il en refermant le tiroir de la commode. 

- Oui, cela conviendra parfaitement. C'est gentil.

Hypolite s'apprêtait à prendre congé lorsqu'il hésita devant la porte. 

- Dame Morgane... 

Le garçon prit une inspiration et poursuivit ;

-  Si cela ne tenait qu'à moi, je vous interdirais formellement de mettre un pieds hors de cette chambre. 

L'intéressée leva un sourcil avant qu'il ne poursuive :

- Je ne sais pas ce que vous faites, mais sachez que vous risquez de vous détruire encore plus si vous continuez. Je souhaiterais que plus rien ne vous fasse souffrir. Mais ai-je seulement le droit de le vouloir ? Vous ne saisirez peut-être que trop tard, le sens de mes paroles, et l'intention que j'y ai mis. Cependant, je vous en conjure, pensez à vous, de ma part.

- Hypolite... 

- Je dois vous laissez, veuillez me pardonner pour ce départ anticipé. Au revoir dame Morgane.

- Au revoir. 

Les mots étaient sortis de sa bouche par automatisme, sans même qu'elle eut à y penser. En réalité, son esprit était ailleurs. Perdu, au milieu d'un océan de questions, aussi déchaîné que la mer cette soirée là. Elle ferma les yeux cinq minutes. Ses réflexions intérieurs ne firent que s'amplifier. Morgane décida ensuite qu'il serait plus facile de réfléchir, les idées aérées, en ouvrant la fenêtre qui donnait sur les falaises de Kliffay. Elle remplis ses poumons d'air. L'odeur de l'eau salée lui chatouilla le bout du nez tandis qu'un sourire se dessina sur ses lèvres. La pleine lune offrait de belles éclaircies sur la côte, apportant de la lumière au spectacle dansant des vagues contre les rochers. Telles étaient les falaises à Kliffay; bruyantes et ténébreuses.

Alors qu'elle avait enfilé sa robe de nuit, Desaigu avait encore l'esprit embrouillé. Elle avait, néanmoins, constaté un détail qui avait son importance; le jeune homme avait commencé son allocution par son prénom et l'avait close par ce dernier également. Cela ne pouvait pas être dû au hasard. Hypolite éprouvait-il des sentiments à son égard ? Peut-être était-ce trop tôt que pour en juger. D'autant plus que si cette hypothèse se confirmait, cela signifierait que les deux Bauvey éprouvaient la même chose. Une possibilité grotesque. Morgane n'aimait pas son visage et pensait, de facto, que les autres le pensaient également. Ce qui  la dérangeait ? Son long nez, sa bouche asymétrique ou encore ses yeux verts. En soit, rien de bien tangible, mais cela la bloquait et lui suffisait pour qu'elle déteste son image. Desaigu interrompit ses réflexions. Quelqu'un venait de frapper à sa porte.

- Désolée de te déranger, s'excusa Clotilde lorsqu'elle lui ouvrit. 

- Non, ce n'est rien. C'est moi qui suis désolée, je ne suis vraiment pas présentable.

- Cela ne fait rien, moi aussi, je suis en robe de chambre, rit elle.

Elle poussa la porte et découvrit son amie, également en tenue de nuit. 

- Tu as déjà quitté la fête ?

- C'est que je m'en ennuyais un peu, Jacques parlait avec mon père et d'autres connaissances. Je me suis dit que des petits biscuits pourraient te faire plaisir. J'ai alors pensé que si je venais habillée de la sorte l'occasion s'y prêterait encore mieux.

- A quoi ? 

- A une soirée entre fille.

- C'est vraiment gentil comme attention. Il ne fallait pas...

- Mais si, je suis sûr que c'est ce qui te fera le plus de bien. 

Morgane était contente qu'elle soit venue. Elle l'invita à entrer et posa un linge sur son lit, de sorte à ce qu'elles puissent manger les gourmandises sans trop salir. Une fois installées, les jeunes femmes continuèrent de discuter.    

- Ainsi, c'est Hypolite qui t'avais informée.

- Oui, il était gentiment venu me trouver pour m'expliquer la situation. 

Clotilde ouvrit la boîte en fer blanc, similaire à celle que possédait Desaigu, et la posa entre elles deux. 

- Alors, comment cela se passe avec Jacques ?

- Très bien, il n'a pas cessé de me regarder ! Ce qu'il est vraiment intelligent, tu aurais du l'entendre parler de ce penseur. Comment s'appelle-t-il encore ? Ah oui; Heinrich von Kleist.

- C'est bien parce que tu l'aimes car personnellement je le trouve mortellement ennuyeux.

- Morgane ! C'est injuste, il est adorable et ce qu'il raconte est vraiment intéressant. 

- C'est parce que tu es amoureuse Clotilde. 

Cette dernière piocha un biscuit tout en hochant négativement la tête.

- Pas du tout, dit-elle. 

Elles rirent. 

- On ne parle pas la bouche pleine Clotilde, mima Morgane avec une grosse voix. 

Son amie pouffa.   

- Parlons un peu de toi. 

- De moi ? 

- Oui, de toi, confirma Clotilde.

Cette fois, ce fut son tour de prendre un biscuit. 

- Et que désire-tu savoir ? 

- Je voudrais savoir qui est ton prétendant. Où je devrais peut-être user du pluriel ? Monsieur Wilde ? Où un des Bauvey ? 

- C'est absurde ! Pourquoi toujours parler des garçons ? 

- Peut-être parce qu'on est à Kliffay et que c'est l'occasion rêvée, pour toute bonne prétendante, de trouver le meilleur parti. Mais comme tu le voudras. Puis-je savoir ton plus grand secret ? 

- Mon plus grand secret...

Vengeances MacabresWhere stories live. Discover now