La photographie

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_octobre 1849_

Ils restèrent un moment sans bouger. Morgane ne pouvait s'expliquer le sentiment de sécurité qu'elle ressentait en cet instant. 

La fenêtre s'ouvrît avec fracas. La pluie se mit à marteler le sol de la chambre partout où la petite ouverture le lui permettait. La jeune femme se leva précipitamment pour la refermer. Le temps se gâtait. 

Morgane s'arrêta un moment pour observer les vagues agitées. Un spectacle saisissant. 

- Qui est-ce ? 

La jeune femme, surprise, se tourna vers Viktor. Elle ne l'avait pas entendu se lever et se placer derrière elle. Le jeune homme affichait une mine indéchiffrable. 

Morgane regarda dans sa direction, s'avança et saisi un petit portrait posé sur la commode en bois sombre.

- C'est un portrait de ma mère lorsqu'elle devait être à peine plus âgée que moi. 

Viktor hocha la tête, mais elle sentit que c'était autre chose qui l'intéressait. 

- Qui est ce jeune homme ? 

Il regardait la photo posée juste à côté. 

- C'est un cliché de la famille Trelly et moi. J'aime beaucoup cette photo. Le jeune garçon à mes côtés s'appelle Théodore Trelly. Malheureusement, il est mort il y a deux ans. 

Viktor fixait la photographie. La jeune femme ignorait le fil de ses pensées mais sentit que quelque chose clochait. 

- Vous le connaissiez ? demanda-t-elle en désespoir de cause.

Le jeune homme la dévisagea. 

- Non. Je ne l'ai jamais vu. 

A cet instant, la pendule du couloir sonna midi. Morgane, se sentant mal à l'aise, décida d'écourter leur interaction.

- Je vous prie de m'excuser, mais je dois me changer pour le dîner. 

- Ne vous excusez pas. J'allais prendre congé pour une affaire personnelle de toute façon.

Il marqua une pause.

- Merci pour votre accueil dame Morgane. 

La jeune femme réfléchissait à la meilleure formule pour lui signifier que c'était elle qui le remerciait, mais il partit presque immédiatement. 

Quelle étrange interaction, pensait-elle.

Pâris lui revint en mémoire. Morgane se précipita hors de la chambre et en oublia presque de fermer sa porte. Il devait mourrir de faim à cette heure avancée de la journée.

Elle sortit de la demeure en passant par la verrière et longea la façade jusqu'à arriver sur le flanc droit du manoir. La jeune femme s'arrêta. 

Morgane savait qu'il y avait toujours un accès extérieur des cuisines pour les domestiques. 

Elle tenta de remettre un peu d'ordre dans sa coiffure que le vent et la pluie ne cessaient d'agiter. Une simple porte en bois se tenait à quelques pas d'elle. Avec un dernier regard sur les flots tumultueux, Morgane inspira et poussa cette porte. 

Une délicieuse odeur l'attira. 

- Vous n'avez pas le droit d'être ici, l'accusa une voix nasillarde. 

- Je viens prendre mon repas à l'avance, répondit-elle avec suffisance.

La pièce était d'une taille correcte, pas très impressionnante mais loin d'être petite. La jeune fille en face d'elle portait la tenue classique d'une  fille de cuisine et la toisait de ses yeux bruns. 

Morgane tourna son attention vers la droite où une préparation mijotait sur une machine qu'elle n'avait jamais vue. Ce devait être le potage pour le dîner. 

- Retournez d'où vous venez, une vieille auberge conviendrait mieux à vos besoins. À moins que ce ne soit au dessus de vos moyens, persifla l'ingrate avec un petit sourire. 

La jeune femme se rappela qu'elle avait mit la même robe qu'à son arrivée pour la chasse. Ce qui signifiait qu'elle ne devait guère ressembler à une bourgeoise, et encore moins à une aristocrate.

- Ravalez vos paroles. Votre langue siffle trop de parjures que pour la laisser s'agiter. J'en toucherais un mot à vos maîtres. 

Morgane fit une pause pour évaluer rapidement l'effet de ses paroles.

La fille de cuisine l'écoutait encore, l'air faussement détendue. Ses mains s'agitaient.

- Enfin, soit. J'ai déjà prévenu les Graham que ma balade m'empêcherait d'assister au dîner de ce jour, ils m'ont alors suggéré de manger avant de partir. Quelqu'un m'a dit qu'en quittant la demeure je trouverais une porte qui donnait directement sur les cuisines, c'est donc ainsi que je suis arrivée ici.

- Je suis désolée, mais ce quelqu'un qui vous a indiqué le chemin vous a bien eue, intervint une femme à la voix grave. 

La jeune femme se tourna vers elle. Ses cheveux étaient gris et son visage rayonnant. Ce devait être la chef de cuisine, pensa Morgane en remarquant sa tenue et l'habilité de ses mains.

- Il y a un accès tout aussi facile des cuisines par l'intérieur du manoir, nul besoin de sortir sous ce temps, elle changea de ton, Rose, prenez votre pause et ne réfléchissez à vos actions! Je n'ai plus besoin de vous pour l'instant, vous vous occuperez de la plonge tout à l'heure. Bon sang! Vous devez vous calmez! 

Lorsqu'elle partit, la dame reprit un air avenant.

- Je m'excuse de vous déranger madame, poursuivit Morgane, mais pourriez-vous me donner de quoi me rassasier ? 

Vengeances MacabresWhere stories live. Discover now