4. Vérité

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Emma

Je suis tellement concentrée dans mon observation que je ne remarque pas tout de suite qu'il a tourné sa tête et me regarde. Lorsque je m'en rends compte, je tourne la tête rapidement l'air de rien en faisant mine de me concentrer sur mon texte. Quelques secondes plus tard, le professeur se lève et prend la parole.

- Maintenant que ça vous avez terminé, vous allez lire votre feuille à votre voisin en vous appliquant sur l'accent.

Génial, je vais devoir lui parler. Je prends ma feuille, me tourne vers lui et commence à lire. Je suis mal à l'aise et je ne sais même pas pourquoi. Une fois que j'ai terminé, je relève ma tête pour le regarder. Il affiche un visage sans expression, impossible de déceler ses pensées.

- J'ai terminé, tu peux lire ton texte.

- Tu n'as pas dit ce que tu détestais, me fait remarquer Andrew.

- Je t'ai dit ce que je détestais le plus.

- Répondre « me odio la vida » n'est pas suffisant.

Il m'énerve.

- Qu'est-ce que ça peut te faire de toute façon ? je lui demande sèchement en haussant un peu la voix.

Il ne répond pas et regarde sa feuille. Avant de lire, il rectifie une phrase sur sa feuille puis lit son texte d'une voix basse et hésitante. Une de ses phrases m'interpelle. Une fois qu'il l'a lu, je n'écoute plus le reste. Cette seule phrase reste bloquée dans mon esprit. Elle tourne en rond, se répète à l'infini à n'en plus finir :

« Me odio mi nueva vecina ». Entre autre : « je déteste ma voisine ».

C'est une blague ? Il ne me connait pas mais il me déteste ? Je suis dans la plus grande des confusions. Je fais donc comme lui.

- Tu ne m'as pas dit ce que tu détestais.

- Je t'ai répondu.

- Répondre « me odio mi nueva vecina » n'est pas suffisant, je lui fais remarquer d'une voix sarcastique pour l'imiter, levant un sourcil pour attendre une réponse.

Il roule des yeux puis se concentre à nouveau sur sa feuille.

J'avoue que sur le coup on a l'air de gros gamins sans aucune maturité, mais je m'en fiche. Il m'exaspère. La sonnerie retentit enfin. C'est la pause déjeuner.

Avant que le professeur ramasse nos feuilles, je m'empresse de barrer ce que je déteste.

Une fois terminé il nous libére. Je range vite mes affaires et sors en vitesse de la salle. Je ne peux plus rester une seule seconde à côté de lui. Il fait de même et sors vite tête baissé en me bousculant au passage. Contrôle-toi, ne le frappe pas sinon tu vas t'attirer de gros ennuis.

Il m'agace de plus en plus. Je marche en direction du réfectoire, espérant semer Olivia et Typhanie mais elles me rattrapent et se mettent à mes côtés. Je ne cherche pas à les éviter.

- Alors c'était comment ? me demande Olivia.

- Nul.

- Pourquoi ?

- Parce que, je réponds froidement.

- Attendez nous !

J'entends des bruits de talons qui courent derrière nous et qui sont de plus en plus proches. Pitié, faites que ce ne soit pas Estella et Maeva. Je vous en pris ce n'est pas ce dont j'ai besoin pour l'instant. Et si, par malheur ce sont bien elles. Merde.

- Ce n'est cool de partir sans nous ! Souffle Estella.

-Dés..., commence Typhanie.

- Et si on ne voulait pas vous attendre ? Je demande agacée.

Les filles s'arrêtent net et me regardent avec de gros yeux.

- C'est quoi ton problème avec nous ? Me fait Estella, presque provocatrice.

- Je ne vous aime pas, tout simplement.

- Tu ne nous connais pas je te signale.

- Oui et bien je n'ai pas envie d'apprendre à vous connaître.

Je leur tourne le dos et avance seule jusqu'au réfectoire. Maintenant c'est dit, au moins elles arrêteront de me casser les pieds. Et peut-être qu'Olivia et Typhanie aussi. Te revoilà seule, bien joué.

Alors que je suis dans la file d'attente pour prendre mon repas, j'entends qu'une voix qui m'est familière m'interpelle.

C'est Olivia qui vient visiblement de courir. Elle est hors d'haleine. Elle vient me rejoindre dans la file.

Je m'attends donc à ce qu'elle me dise que je n'ai pas été sympa avec les filles.

- C'était énorme ce que t'as dit aux filles à l'instant !

- Attends, quoi ? Je balbutie étonnée.

- Bah oui, à ta place j'aurais pas eu le courage de balancer ça comme ça ! je t'admire ! Se réjouit Olivia encore ce sourire innocent collé au visage.

- Je pensais que t'allais me dire que je n'étais pas sympa avec elles, je lui avoue confuse.

- J'aurais pu te le dire mais quand tu es partie, les filles t'ont insulté alors que tu as juste été franche avec elles. Je te respecte pour ça. Bon, par contre le seul souci c'est que j'ai peur que Typhanie se mette de leur côté et qu'Estella et Maeva aillent raconter à tout le monde que d'après elles tu es méchante et violente, finit Olivia.

- Tant pis, ce n'est pas comme si je n'avais pas l'habitude, dis-je tout bas en haussant les épaules.

- T'as dit quoi ? Je n'ai pas entendu à cause de tout ce brouhaha.

- Non rien, je disais juste que la file d'attente était longue.

Elle me sourit de toute ses dents. C'est un sourire chaleureux et rassurant. Olivia n'est pas de mauvaise compagnie, je devrais faire des efforts, puisqu'elle en fait beaucoup avec moi.

Elle est le genre de fille à pas se prendre la tête pour des choses futiles et à être gentille et bienveillante avec tout le monde. Elle n'a aucun arrière pensée et pense tout ce qu'elle dit. C'est en quelque sorte une bouffée d'air frais. Elle est pleine de vie et ça fait du bien.

Le reste de la journée s'est bien passé, j'ai mangé seule avec Olivia. Nous avons beaucoup parlé à table. J'arrive à me libérer un peu avec elle, elle me met à l'aise et j'ai moins de difficultés à communiquer.

Quand nous sommes retournées en classe cet après-midi, j'ai senti qu'Estella et Maeva me dévisageaient. Qu'elles continuent, je m'en fous complètement.

Je suis rentrée des cours à dix-huit heures. Je suis actuellement allongée dans mon canapé et zappe les chaînes quand je tombe sur Les Reines du Shopping. Ça me fait rire quand elles se mettent à paniquer parce qu'il ne leur reste plus beaucoup de temps !

Cette émission est vraiment débile. De toute façon, je peux regarder ce que je veux puisque je suis seule chez moi. Mes parents sont absents, ils travaillent, encore. Si ma mère était là, elle m'aurait interdit de regarder cette émission puisque d'après elle ce genre de programme est sans intérêt. Elle n'a pas tort mais pour ma part ce n'est que de la rigolade.

J'entends quelqu'un sonner à la porte. Je me lève et vais ouvrir la porte d'entrée. C'est Andrew. Je me souviens alors qu'il m'avait dit qu'il passerait chercher son blouson.

- Je suis venu récupérer mon blouson s'il te plait, m'informe t-il la tête baissée, d'une voix faible.

Une idée débile me vient à l'esprit.

- Tu récupéras ton blouson quand tu me diras pourquoi tu me détestes.

Sur ces mots, je lui jette un regard noir et lui claque la porte au nez, le laissant seul devant la porte. Bien fait.

Modifié le 26 juillet 2017.

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