02

5.3K 545 315
                                    


Sacha nous ignorait. Comment pouvais-je lui en vouloir ? Ce n'était pas comme si après avoir passé le réveillon avec notre bande, elle allait se mettre à traîner avec nous en permanence. Ça, je l'avais déjà compris depuis un moment. La vie n'était pas comme dans les films clichés pour adolescent où la jolie fille populaire se mettait à traîner avec la bande de losers et faisait la découverte qu'elle préférait davantage son nouveau groupe d'amis.

Je ne prétendrais pas que je savais comment la vie fonctionnait, pourquoi certains avaient plus de chance que d'autres, mais j'avais une certitude à ce sujet : la vie était loin d'être une adaptation cinématographique.

Je m'étais déjà demandé ce que ça ferait d'être respecté par tous les élèves de cette école. Je serais probablement invité à toutes les fêtes en ville et je sortirais avec une des filles les plus jolies de l'école. Je serais peut-être même toujours en couple avec Pénélope Brown. N'allez pas croire qu'elle me manquait après tout ce qu'elle m'avait fait subir, mais il m'arrivait de penser qu'elle ne m'aurait peut-être pas laissé si j'avais fait partie des gens populaires. À vrai dire, ça aurait peut-être été moi qui lui aurait brisé le coeur.

Alors, si Sacha Macleod décidait de traîner avec sa bande d'amis habituelle, ça m'était bien égal. Elle avait tous les droits de faire comme si elle ne nous connaissait pas, de nous ignorer comme elle le faisait bien avant. Je ne lui en voulais pas. Je ne me voilerai pas la face en me disant que si j'étais à sa place, ce ne serais pas du tout ce que je ferais. Au contraire, ce serait exactement ce que je ferais. Olivia n'était pas d'accord. Bien entendu, elle n'était pas prête à accepter le fait que Sacha Mcleod nous ignorait. Je ne voyais pas en quoi ça pouvait autant la déranger. Ce n'était pas comme si elle appréciait cette fille et qu'elle souhaitait être son amie.

— Non, mais regarde la ! s'est exclamée mon amie. Elle n'arrête pas de se pavaner et de faire comme si nous n'existions pas.

— C'est un peu le cas, ai-je blagué.

Carter a souri et s'est appuyé sur le casier voisin. J'ai ouvert le mien en espérant l'avoir bien nettoyé avant les vacances. Je n'avais vraiment pas envie de tomber sur de mauvaises surprises.

Heureusement, aucune odeur nauséabonde ne s'en échappait. C'était plutôt bon signe. S'il avait bien une chose que je détestais au retour des vacances, c'était de tomber sur un vieux sandwich oublié datant de plus de deux semaines. La dernière fois que c'était arrivé, ils avaient dû évacuer la moitié du bâtiment. On n'avait pas eu de cours de toute la matinée.

— Si t'as encore un sandwich moisi au fond de ce casier, mec, je te frappe, m'a menacé Carter.

— Je croyais que tu aimais bien manquer les cours.

— Ne te fiche pas de moi. Je fais encore des cauchemars à cause de ton truc. Merde, j'en garde même des séquelles ! Ma mère a dû m'envoyer voir un psy.

— Tu exagères.

J'ai lancé un regard à Olivia, mais à l'expression qu'elle affichait j'ai deviné que l'histoire du sandwich en avait marqué plus d'un. C'était peut-être comme ça que j'allais me faire connaître. Avec un vieux sandwich pourrissant au fond de mon casier.

J'ai inspecté mon casier pendant deux bonnes minutes, histoire de m'assurer qu'il n'y avait rien qui pourrait me faire pousser une troisième bras durant la nuit. J'ai poussé un soupir de soulagement, n'ayant finalement rien rencontré de suspect. Quelques feuilles chiffonnées ici et là, un livre emprunté à la bibliothèque que j'avais oublié de remettre, des manuels scolaires et un vieux tee-shirt d'éduc.

— Bonne nouvelle ! me suis-je exclamé. Il n'y a rien de suspect.

— Je vais enfin pouvoir dormir en paix, sans être tourmenté par tes fichus sandwichs au poulet.

La théorie des cactusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant