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J'ai obtenu mon diplôme la semaine suivante. C'était une petite cérémonie qui avait lieu dans le gymnase de l'école. Il y avait pas mal de discours. Mais on s'en fichait tous ; c'était ce moment qui comptait et qui nous reviendrait à l'esprit plusieurs années plus tard. Même si on avait tous chaud dans nos toges et qu'on tapait du pied parce que le discours du directeur général n'en finissait plus, tout le monde avait trouvé la patience de rester assis là, sur sa chaise de plastique. Mes parents, mes soeurs et ma nièce se trouvaient dans la pièce, assis quelques rangées plus loin. Moi, j'étais avec les autres finissants.

De temps en temps, je rencontrais le regard de mes parents durant la cérémonie. Ils me souriaient, les yeux débordant de fierté. On aurait dit qu'ils avaient oublié l'incident de la semaine dernière et les nombreuses conversations qui avaient suivi. Ils s'en fichaient de ce que je voulais faire : je graduais de la Senior High School. C'était tout ce qui leur importait, surtout quand j'avais réussi à obtenir des notes au-dessus de la moyenne.

Pour les bonnes notes, ils pouvaient remercier Sacha. C'était elle qui s'était donnée corps et âme pour m'expliquer les matières que je ne comprenais pas. Et il fallait admettre que j'étais un élève exaspérant. Surtout quand Pistache s'imposait toujours dans le décor. Pas moyen d'étudier dans la chambre de Sacha quand il y avait un chat qui se roulait en boule sur vos cahiers pour avoir un peu d'attention.

Parlant de Sacha, elle était assise à côté de moi et écoutait chaque discours avec une détermination implacable. Elle s'acharnait à tout comprendre, si bien que lorsque je me suis penché pour lui glisser une remarque au creux de l'oreille, elle m'a repoussé d'un geste.

— C'est important ce qu'il dit ! m'a-t-elle réprimandé.

— Ah ouais ? Pas vraiment. On a fini l'école, Sacha !
Elle a levé les yeux au ciel.

— Pour un gars qui avait peur de graduer, tu as l'air de drôlement aimer cette idée.

J'avais toujours peur de graduer, à vrai dire. Sacha le savait très bien. J'avais dû lui en parler à tous les soirs au téléphone, après chaque examen. Elle me rassurait à chaque fois, du mieux qu'elle le pouvait. Mais une chose était certaine : j'avais beaucoup moins peur qu'auparavant. Je savais où je m'en allais l'automne prochain, je savais ce qui m'attendais et j'étais pleinement conscient que je ne pouvais pas tout prévoir. Les imprévus, ça faisait partie de la vie, comme Sacha l'aurait si bien dit. J'avais la majeure partie de mon trajet de fait. Mes parents avaient même approuvé mon projet en me proposant de l'aide financière, aide que j'avais refusé. Ils n'étaient pas entièrement d'accord avec ma décision, mais ils la respectaient. C'était déjà un bon terrain d'entente. Et puis, ils n'avaient pas d'autres choix ; rien n'allait me retenir de toute manière.

Le directeur général a fini son discours. Une dame de l'administration que je devais avoir vu seulement deux fois au courant de mon parcours scolaire s'est présenté sur la scène et a commencé à énumérer des noms. Tout le monde y passait. On montait sur le podium, on serrait la main du directeur et de l'administration, puis on attrapait son diplôme et hop ! on retournait à notre place, nouvellement arrivé dans le monde des adultes. Enfin, ce n'était pas aussi noir et aussi blanc. Tout le monde arrivait sur la scène à sa manière. Michael, par exemple, a fait un dab lorsqu'il est arrivé sur la scène. Il était content de graduer. J'avais entendu dire par Sacha qu'il s'embarquait en entreprenariat. Il voulait fonder sa propre entreprise de cuisine. Encore une chose que j'ignorais à son sujet : il était fan de cuisine. Ça ne se voyait pas et pourtant, comment ça aurait pu ?

Yuri a embrassé son copain Will, lorsqu'elle est débarquée du podium. Il l'attendait avec des fleurs, et c'était beaucoup moins ringard que ce qu'on pourrait croire. Cole, lui, a souri quand son tour est venu. Pénélope n'a pas bronché. Sacha est monté sur la scène, plus belle que jamais dans sa toge noire. Je l'ai regardée serrer la main du directeur, puis prendre son diplôme et quitté la scène. J'étais fasciné. Fasciné par Sacha qui méritait ce diplôme plus que tout. Sa mère devait tout filmer dans un coin de la pièce, les larmes aux yeux.

La théorie des cactusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant