Épilogue.

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La gare était bondé en ce samedi matin. Le soleil venait à peine de se lever que des millions de visiteurs étrangers et des hommes d'affaires se précipitaient un peu partout à l'intérieur des murs du pavillon centrale. Il y en avait des plus pressés que d'autres, ceux qui vous bousculaient sans aucune gêne, et des plus lasses, comme moi, qui discutait avec leur copine avant de passer la sécurité.

— Tu peux vérifier si j'ai bien mis ma crème solaire dans mon sac ?

Sacha a levé les yeux au ciel.

— Tu as vérifier au moins cinq fois ce matin, avant de partir, m'a-t-elle fait remarquer. Je suis persuadée que tu l'as.

— Et si mon sac s'était ouvert et qu'elle était tombée ? Ça pourrait être arrivée en chemin.

— Mais nan. Tu paniques, tu stresses, c'est normal. Mais ta crème solaire est bel et bien dans ton sac.

Je lui ai fait les yeux doux.

— Tu pourrais vérifier ? S'il-te-plaît.

Elle a poussé un soupir d'exaspération. Elle savait aussi bien que moi que ce n'était qu'une mascarade. Ma crème solaire était bel et bien dans mon sac à dos. Tous les deux nous redoutions tout simplement l'heure H, celle où j'allais devoir la laisser pour passer la sécurité et attraper mon vol à temps. À partir de ce moment là, notre relation continuerait de grandir uniquement à l'aide de Skype et de quelques appels interurbains. Je ne savais pas quand je reviendrais et puis, Sacha partait en septembre pour Cuba dans l'espoir d'atténuer sa rétinite pigmentaire, si bien que nous n'avions tous les deux aucune idée du moment où nous serions en mesure de nous voir pour de vrai et pas à l'aide d'un écran.

Sacha a sorti un petit contenant jaune et blanc de mon sac et me l'a montré.

— Tiens, tu vois. Ta crème solaire. Je la remets dans ton sac, d'accord ?

J'ai acquiescé.

— D'accord.

— Tu vas me manquer.

— Quoi ?

J'étais un peu surpris. Pas parce que c'était quelque chose qui était inhabituel sorti de sa bouche, mais bien parce que c'était venu aussi spontanément.

— Tu vas énormément me manquer, Logan.

Elle m'a serré dans ses bras.

— Toi aussi, tu vas me manquer, ai-je murmuré. Tu sais, je ne pars pas le coeur complètement libre.

— Je l'espère bien.

Sacha m'a attrapé par l'encolure du chandail.

— En attendant, ta tache se sera de m'appeler de temps en temps.

— Compris, capitaine. Je suis prêt à faire tous les interurbains du monde pour toi.

Elle a souri. Moi aussi, j'ai souri.

— Et ne tombe pas amoureux d'une petite américaine, suisse ou je ne sais quoi. Sérieusement.

— Je te dis la même chose.

Ma copine m'a attiré vers elle. Sans perdre une seconde de plus, j'ai collé mes lèvres aux siennes. Cette fois, ce n'était ni la pêche ni la cerise. C'était simplement l'odeur de son dentifrice, de la menthe ou quoi que ce soit. Sacha s'est brièvement écartée au beau milieu de l'action.

— Ensemble...

— Jusqu'à la fin, ai-je complété.

Elle m'a de nouveau poussé dans sa direction et cette fois, je l'ai embrassée comme je l'avais fait le soir de notre tout premier baiser, le soir de la Saint-Valentin. C'était peut-être bien la dernière fois que je posais mes lèvres sur les siennes, que je partageais un moment aussi intense et personnelle avec quelqu'un avant un moment. Lorsqu'elle s'est retirée de l'étreinte, je n'avais pas envie de la laisser filer. Je voulais la tenir presser contre moi pour le reste de l'éternité, même si ça impliquait de se faire bousculer par une tonne d'imprudents et de devoir laisser tomber la photographie.

— Tu vas manquer ton vol, a-t-elle dit.

J'ai jeté un coup d'oeil à ma montre. Effectivement, il ne me restait plus beaucoup de temps pour passer la sécurité et embarquer dans le train. Dans l'idéal, il fallait que je parte maintenant. Mais je n'en avais pas vraiment envie.

— Je reviendrai, l'ai-je assuré. Quand ? Je n'en sais foutrement rien, mais j'en ai la certitude.

— Et je te crois.

— Mais je tiens à t'en faire la promesse.

Elle a levé les yeux au ciel.

— Les promesses, elles servent qu'à être brisées.

— Tu parles par expérience ?

Sacha a souri.

— Visiblement, oui.

J'ai agrippé un de mes bagages qui reposait toujours au sol.

— Un jour, ai-je dit.

— Un jour.

— On se reverra en personne et on ira boire un verre de vin en lisant des classiques sur une terrasse à Montréal. On rira, on se disputera, on pleura. Mais on sera ensemble, à nouveau.

Ses yeux bleus comme le ciel se sont humidifiés.

— Ça me semble être un bon plan.

J'ai déposé un baiser furtif sur ses lèvres.

— Je t'aime, ai-je murmuré.

— Moi aussi.

— Il faut que j'y ailles, maintenant.

— Maintenant ?

— Ouais, je suis en retard.

Son visage s'est soudainement illuminé.

— Avant que j'oublie...

Elle a sorti un livre de poche de son sac et me l'a tendu.

— Tiens, prends-le. Lui, je parie que tu vas l'aimer.

J'ai regardé la page couverture.

Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur ? Il était bon ?

— C'est devenu un de mes préférés.

— Et tu me le confis ? Pour une durée indéfinie ?

Sacha a acquiescé.

— Je te fais confiance, m'a-t-elle assuré. Et puis, je suis convaincu qu'il ne reviendra pas tout déchiré avec les bouts de la couverture recollés avec beaucoup trop de papier collant. Pas celui-là, en tout cas.

J'ai ri.

— Encore désolé.

— L'effort y était.

— C'était ton livre préféré.

— Et ce l'est toujours.

Elle m'a souri. Et je lui ai souri en retour.

— Tu vas tellement me manquer.

Sacha était sur le point de pleurer.

— Bordel, a-t-elle juré. Tu es mieux de m'appeler à tous les soirs.

— Je te le promet. Et cette promesse ne sera pas brisé.

Je lui ai fait au revoir de la main une dernière fois, avant de prendre en charge tous mes bagages, Ne tirez pas sur l'oiseau moqueur dans une main. Lentement et un peu à contre-coeur, je me suis dirigé vers la sécurité. C'était un peu étrange, parce que j'avais quand même planifié ce périple autour du monde depuis un moment déjà et j'en rêvais depuis des années. Pourtant, au moment de m'embarquer dans l'aventure, j'étais moins pressé de le faire. J'étais aux bords des larmes, à vrai dire. Je me mordais la lèvre inférieure, je crispais les mâchoires et je serrais les poings. Et juste avant que je franchisse le seuil de la sécurité, sa voix m'a de nouveau interpellé.

— Logan ! s'est exclamée Sacha. Logan, attends.

Je me suis retourné et je lui ai fait face. On n'a rien dit. On s'est juste regardé.

Mais les regards valent bien mille mots.

FIN

La théorie des cactusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant