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     Nous sommes arrivés chez Cole à l'aube des vingt-deux heures. Son adresse n'avait pas été bien difficile à trouver : tout était sur le net. On devait tout à Google, sur ce coup. À croire que Cole Stevens n'avait jamais entendu parler du concept de vie privée.

Lawrence a garé sa voiture à quelques rues de là, de peur de se la faire abîmer par un de ses crétins complètement soûls qui trouvaient judicieux de se balader dans la rue à la nuit tombée. J'ai failli ajouter que sa bagnole était déjà suffisamment abîmée, mais je me suis tu. Le moment était mal choisi pour se disputer avec son meilleur ami.

J'avais très peu d'expérience en matière de fête, si bien qu'en arrivant chez Cole Stevens, je m'attendais à quelque chose de bien plus excitant. Du papier de toilettes dans les arbres, de la musique pour réveiller tout le voisinage et un gars complètement ivre en train de vomir ses tripes sur la pelouse ensevelie de neige. Ça, ça aurait été le comble ! Mais la fête de Cole ne ressemblait pas à cette idée préconçue.

À l'avant de la maison, il y avait un gars et une fille. Le garçon s'était littéralement pissé dessus et la fille riait aux éclats, soûle. Lawrence leur a jeté un coup d'oeil dégoûté.

— J'hésite à qualifier cette situation d'hilarante ou de pathétique.

— Je penche pour la deuxième option, ai-je avoué.

— T'as raison. C'est franchement pathétique.

Nous avons continué notre chemin jusqu'à la porte d'entrée. J'ignorais si je devais frapper ou si je pouvais tout simplement entrer. Comme il faisait atrocement froid et que j'en avais un peu marre d'entendre le rire agaçant de la fille soûle, j'ai décidé d'entrer. Lawrence m'a suivi de près, visiblement aussi perdu que moi. L'intérieur était beaucoup plus fidèle à mes attentes. Une ambiance oppressante, des gens agglutinés un peu partout, une odeur de cigarette dans l'air, un échange de substance illicite, de la musique naze et de l'alcool. En gros, une fête typique organisé par un sportif typique.

Je me suis surpris à trouver ça bien plus désagréable que ce que je pensais. En vérité, j'étais incapable de lutter contre ma nature de garçon banal et pas très à l'aise. J'étais habitué à avoir des soirées entre potes, mais là, ça dépassait franchement ce à quoi j'avais l'habitude.

Nous nous sommes dirigés dans la cuisine, non sans bousculer quelques personnes. Je me suis demandé comment c'était possible qu'autant de personnes assistent aux fêtes de Cole. C'était la première fois qu'on m'invitait et j'avais la certitude que ma présence n'aurait pas changé grand chose à l'immensité de la soirée. D'où venait tous ces gens ? J'en connaissais certains de l'école, mais la plupart m'était totalement inconnue. On aurait dit que Cole avait casé la population de Toronto dans sa maison de banlieue, sans se soucier de qui il invitait.

Lawrence se faufilait dans la mêlée, sans but particulier. Il était venu ici simplement pour traîner, parce qu'il n'avait rien à faire de toute manière. Moi, j'avais un seul objectif en venant ici. Certes, j'étais curieux, mais il y avait une personne que je souhaitais absolument voir.

Plus je pénétrais dans ce monde parallèle au mien, plus j'avais l'impression de ne pas vraiment connaître Sacha Macleod. C'est en regardant tous ces gens danser, discuter et s'embrasser que ça m'a frappé. Je croyais connaître cette fille avec qui je passais des journées entières à discuter, mais en vérité, elle valait peut-être la même chose que toutes ces personnes qui m'entouraient. Elle n'était pas bien différente, à vrai dire, et cette fête était une partie d'elle-même qu'elle ne m'avait pas encore présentée. Comment pouvais-je affirmer que Sacha était mon amie, alors que je ne connaissais que la moitié de qui elle était vraiment ?

La théorie des cactusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant