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Mes parents étaient tous les deux attablés dans la salle à manger. Ils lisaient le journal et sirotaient leur café comme ils avaient l'habitude de le faire le samedi matin. Parfois, ils se lançaient de petits regards et souriaient, mais ça n'allait pas plus loin. C'était ce qu'il y avait de bien avec les samedis. Personne n'était pressé d'aller au boulot et tout le monde profitait à fond de la journée. Le samedi matin avait quelque chose de bien singulier qu'on ne retrouvait pas dans les autres jours de la semaine. Que ce soit pour le silence qui régnait dans la maison ou pour le calme qui emplissait l'atmosphère, il y avait quelque chose de bon en cette journée de la semaine. Le reste du temps, nous n'avions plus une seconde à nous, entre les études et le travail. Et puis, le dimanche, le quotidien reprenait le dessus. Autant dire que seul le samedi se trouvait reposant.

Je suis entré dans la cuisine vêtu d'une vieille paire de short et d'un tee-shirt. Ma mère a levé les yeux dans ma direction, au moment où j'ai ouvert la porte du réfrigérateur.

— Bon matin, a-t-elle dit.

J'ai marmonné un semblant de phrase, trop occupé à trouver quelque chose à manger. Habituellement, ma mère aurait simplement abandonné tout espoir d'avoir une conversation convenable avec son fils, mais il y avait quelque chose dans son regard qui me laissait croire que je n'allais pas m'en sortir aussi facilement. C'est seulement lorsque j'ai vu les dépliants des universités que j'ai compris. Et celui qui était mis en avant était à l'effigie de l'Université de Toronto, où mes parents avaient fait leurs études et où ils me voyaient déjà diplômé.

J'ai poussé un soupir d'exaspération.

— Il est trop tôt pour ça, ai-je dit.

— Il est toujours trop tôt pour toi, Logan.

J'ai levé les yeux au ciel. Ma mère était une femme charmante, croyez-moi, mais lorsque le sujet des universités se présentait, elle était une toute autre personne. À croire qu'elle avait attendu toute sa vie pour me parler de l'Université de Toronto.

— Je me fais du soucis, a dit ma génitrice.

— À propos de quoi ?

— La moitié de l'année scolaire s'est déjà écoulée et tu n'as toujours pas fait ta demande.

— Je ne devrais pas avoir trop de difficulté à y entrer, ai-je rétorqué. J'ai des notes dans la moyenne et puis, je suis quasiment un élève modèle.

— Quasiment ? s'est étonné mon père, se joignant à la conversation.

— Logan, je sais que tu es bon à l'école, a repris ma mère sans se soucier de mon père.

— Mais ?

— Mais ce n'est pas assez. Il faut que tu prennes de l'avance. L'université n'acceptera pas ta demande en juin.

— Tu en es certaine ?

Ma mère m'a lancé un regard réprobateur. Quand elle me lançait ce genre de regard, je savais  alors qu'il était inutile d'insister. Les mères ont toujours raison. Point final.

— Je ferai ma demande cet après-midi, ai-je capitulé.

Mes parents ont échangé un regard qui en disait long.

— C'est promis. Je peux déjeuner tranquillement et profiter du peu de jeunesse qu'il me reste ?

Ça a fait rire ma mère.

— Tu es si dramatique, Logan.

— On me l'a déjà dit.

Elle a souri, avant de poser de nouveau les yeux sur son journal. Elle s'est remise à lire et le quotidien a repris tranquillement. Mon père a pris une gorgée de son café et j'ai agrippé une boîte de céréales à l'allure chimique. Je n'avais pas envie de me pencher sur les brochures d'université, surtout pas un samedi. J'avais d'autres projets en tête en me levant ce matin. Par exemple, j'aurais très bien pu passer la journée à flâner avec Lawrence. Nous pouvions passer des après-midi complets dans son sous-sol, à discuter et à jouer aux jeux vidéo.

La théorie des cactusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant